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Retro-perspective Charlois<>Saint-Denis

Kamiel Verschuren

Exposition du 7 au 28 octobre et du 4 au 9 novembre 2023

vernissage samedi 7 octobre à 18h

Kamiel Verschuren (né en 1968 à Dordrecht, Pays-Bas) vit et travaille à Charlois (Rotterdam, Pays-Bas) depuis 1991. 

L’exposition Rétro-Perspective – CHARLOIS < > SAINT-DENIS constitue à la fois un retour sur les différents projets artistiques réalisés par l’artiste à Charlois entre 1991 et 2023, et une ouverture à la réflexion sur des projets et un éventuel engagement artistique à Saint-Denis dans le futur.

 Kamiel Verschuren travaille à la fois individuellement et collectivement avec d’autres artistes, organisations et personnes. 

Sa démarche artistique étudie le rôle possible de l’artiste au sein de la société et donc le rôle de l’imagination et de la réalité de l’art, qui consistent à libérer les pensées et les idées de leurs cadres habituels.

Afin de construire sa pratique de façon autonome et indépendante du monde de l’art, l’artiste a initié ou est membre de plusieurs associations artistiques centrées sur l’auto-organisation et le développement de projets collectifs. C’est le cas de la fondation B.a.d qu’il co-fonda en 1991. Ces initiatives responsables visent à créer de l’autonomisation et de la liberté.  

Dans ses précédentes expériences, il (il = nous) a initié et réalisé plus de 100 projets artistiques, des œuvres d’art publiques, des interventions publiques et des événements récurrents, un organisme d’autogestion qui gère un parc de logements vides, une fondation d’investissement pour les infrastructures sociales et physiques, un ferryboat gratuit qui relie les habitants de Charlois au centre-ville de Rotterdam, un restaurant culturel, des espaces de travail et de résidence internationales pour artistes, et de nombreuses autres entités artistiques depuis plus de 25 ans. 

Kamiel Verschuren

La ville de Saint-Denis située au nord de Paris, et l’ancien quartier de Charlois situé au sud de la Meuse (Rotterdam) présentent de nombreuses similitudes géographiques, économiques et sociales. Les deux « villes » se trouvent en périphérie d’une grande ville, les deux « villes » se sont développées grâce à une forte industrialisation, mais sont désormais confrontées à une multiplicité de problèmes sociaux en raison du déclin de leurs activités économiques. Un tel contexte a notamment pour conséquence d’éclipser la force possible que représente leur population jeune, qui fait face à des problèmes graves tels que le chômage, le manque de perspectives et qui entre dans une société de plus en plus indifférente.

Pour autant, à l’ombre de la grande métropole, on peut trouver une certaine autonomie et donc une opportunité de construire à sa manière les bonnes réponses à ses propres problématiques. Il est possible de s’ouvrir aux initiatives initiées localement et cherchant des solutions collectives.

A Charlois, la toile de fond dans laquelle ces initiatives furent possibles est importante à rappeler et, en quelque sorte, spécifique à un contexte social. À la fin des années 90, la plupart des gouvernements et des municipalités ont commencé à sous-traiter leurs activités pratiques au système du marché, déconnectant ainsi la politique de la pratique, déconnectant l’esprit des mains. Les services publics tels que la fourniture et le contrôle de l’énergie, la gestion verte, l’entretien des espaces publics, les transports publics, le logement, les soins de santé et le développement urbain ont été confiés à des entreprises privées et concurrentes. Leurs missions étaient strictement formulées dans des contrats qui limitaient les initiatives spontanées. Ces entreprises ne travaillaient pas souvent après 17h00 ou le week-end, lorsque la vie sociale était la plus intense. La plupart des problèmes réels n’ont pas qu’une seule origine mais sont le fruit de la combinaison de nombreux aspects, pratiques, physiques, sociaux ainsi que de la manière dont on les perçoit. En tant qu’artiste, entrer dans cet écart entre politique et pratique demande de conceptualiser, formuler, organiser, mobiliser, produire et réaliser des idées afin d’ouvrir un large éventail de possibilités, afin de s’engager dans la société et être réaliste.

Dans ce contexte, la plupart des projets artistiques menés à Charlois n’étaient pas financés par les budgets gérés par le service culture mais par d’autres services tels que l’éducation, la sécurité ou l’entretien. Par conséquent, les ambitions artistiques devaient s’intégrer ou devenir porteuses de réalité, de véritables enjeux de société, au sein de partenariats.

Non seulement la réalité devient imaginaire, mais l’imagination devient réelle.

Kamiel Verschuren

Samedi 14 octobre à 17h, rencontre, discussion à HCE Galerie

Artiste, mais aussi architecte, graphiste et styliste, Kamiel Verschuren intervient sur le territoire pour transformer la vie quotidienne, la façonner avec et pour les habitants

Par des projets portés par une adhésion passionnée, une puissance de pensée et d’agir et une amplitude dans la réalisation qu’on ne rencontre que chez les grands créateurs, au cinéma, au théâtre, dans la peinture…

La volonté de donner un style aux situations, par des agencements de contextes, de personnes et de lieux se retrouve dans les publications du projet, documents, affiches, manifestes, maquettes et organigrammes diffusant les traces de ce nous en devenir, de ce Nous, encore…

De cela nous parlerons ce samedi 14 octobre, à 17h, autour d’un verre, ainsi que le souhaite Kamiel !

  « Nous sommes là où notre présence fait advenir le monde, nous sommes pleins d’allant et de simples projets, nous sommes vivants, nous campons sur les rives et parlons aux fantômes, et quelque chose dans l’air, les histoires qu’on raconte, nous rend tout à la fois modestes et invincibles. Car notre besoin d’installer quelque part sur la terre ce que l’on a rêvé ne connaît pas de fin. » (Mathieu Riboulet)

C’est donc un livre qui dit « nous », nous sommes vivants, un livre qui dit: nous sommes vivants et cela ne connaîtra, pas de fin, alors que celui qui dit « je » n’est plus là, n’est plus dans la vie, et n’est nulle part ailleurs. En vérité c’est la puissance du « nous »  (et mieux que sa consolation : sa réalité) que de pouvoir ainsi nous relier, nous nouer, par-delà toute absence. Comme dans le poème de Michaux, Michaux endeuillé par la mort de sa femme, qui ne la retient pas dans la vie mais qui écrit « Nous deux encore » tu n’es plus, mais « nous deux » est encore ; tu n’as pas besoin d’exister pour que « nous deux » soit encore ; ne crains pas de n’être plus rien, n’aie pas honte de n’être plus rien, puisque « nous deux » est encore.

Encore. Voilà aussi un mot plein de ressources ; on pourrait dire que c’est le temps lui-même, le temps de la vie même il désigne ce qui a tenu jusqu’à maintenant, et ce qui se soulève de nouveau, ce qui aura toujours à se soulever de nouveau. « Encore », cela veut dire que ça aura tenu jusqu’à cette heure : la vie se sera poussée en nous « comme un vail­lant petit cortège », la vie aura tenu jusqu’à maintenant, la vie se sera éprouvée en nous jusqu’à maintenant, la vie qu’on n’abat pas. Mais cela veut dire aussi qu’on n’a jamais vécu une bonne fois pour toutes ; que toujours ça se resoulève, ça doit se resoulever, se remettre en selle. De nouveau. Allez ! encore une fois. « Encore » est certes le mot de la lassitude et allez, encore ! C’est le mot de la fatigue à recommencer, à avoir à recommencer. Travailler encore, supporter encore l’avalanche des deuils. Mais « encore » est aussi et surtout le mot du désir, du désir forcément infini ; car aimer, c’est vouloir encore, en vouloir encore. C’est le mot des amants, et c’est le mot des enfants : encore ! qui ne voient pas pour­quoi un bonheur ou un plaisir devraient s’arrêter – et ils ont raison. Encore est le mot de l’infini dans les choses, des choses qui ne finissent pas, qui n’en finissent pas, qui s’infinissent toutes seules ou qu’on doit infinir. Comme la joie, comme la lutte. « Nous deux encore » donc, mais aussi et encore nous tous, nous tous constitués par le désir de bâtir, de camper en effet sur ces rives, avec les fantômes, de braver ce monde abîmé et’d’y faire nos cabanes, puisque décidément « notre besoin d’installer quelque part sur terre ce que l’on a rêvé » ne connaît pas de fin.

« Ce que l’on ‘a rêvé » : on pense peut-être, avec ces derniers mots du dernier livre, à une lettre de Marx (que cite souvent Jean-Christophe Bailly ; qui a parlé lui aussi à Lagrasse de « nous » et de ce qu’il entre dans ce pronom de promesses) « Depuis longtemps, le monde porte en lui le rêve d’une chose, le rêve d’une chose dont il lui suffirait de prendre conscience pour la posséder réellement. »

Le « rêve d’une chose », peut-être est-ce cela que les toutes dernières lignes de Nous campons sur les rives, si pleines de lumière et de vie, si tendues vers la possibilité d’agir, récla­ment. Elles réclament que nous reconnaissions ce rêve dont le monde formait l’idée depuis longtemps, depuis toujours, ce rêve qu’avait le monde et qu’il a toujours : celui de devenir autre. Et elles réclament que nous protégions et soulevions en nous-mêmes la disposition à vivre enfin autrement, de toutes nos vies inquiètes et de tous nos élans joyeux. Car rien, en effet, ne nous oblige à vivre « comme ça ».

(Marielle Macé)



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