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Le dessous des calques/ Laurie Anne Estaque

Le dessous des calques/ Laurie-Anne Estaque

exposition du 3 au 24 octobre et du 3 au 7 novembre 2020

vernissage le samedi 3 octobre à partir de 17h

lundi 5 octobre à partir de 18h

Rencontre de l’artiste et de son travail; Comment une artiste investit un territoire

Discussion sur la nature dans la ville et constitution d’un collectif de questionnement sur les plantations dans les quartiers de St Denis (HCE)

Laurie-Anne Estaque relève les signes qui émergent dans l’espace public, repères, slogans, balises, marques et devises qui tentent de s’imposer, de se signaler à l’attention. Elle travaille comme les cartographes, elle met les choses à plat dans ses tables, tableaux ou cartes pour aller au plus profond des histoires, trafics occultes et manipulations mystifiantes qui occupent le devant de la scène. Sa peinture se fait enquête, exploration, poursuite de lignes graphiques enjouées et malicieuses, critiques et pénétrantes.

Elle travaille à Felletin, dans le Limousin, où elle s’investit en artiste. Son atelier se situe dans le quartier de la gare parmi d’autres espaces où vivent et travaillent artistes, artisans, sérigraphe, brasseurs de bière, charpentiers, menuisiers, musiciens, designers et ébénistes. Ensemble, ils insufflent une nouvelle vie au quartier. Avec Quartier Rouge, elle participe à « La gare en commun », un projet de réhabilitation de la gare de Felletin. Elle contribue à la restauration d’une ancienne attraction foraine, qui a connu ses heures de gloire, « Le Mur de la Mort », avec des pilotes de moto et des comédiens. Dans le cadre des ateliers de géographie populaire du plateau de Millevaches elle travaille sur des représentations du territoire avec les habitants, leur donnant des échappées, des ouvertures pour habiter un lieu, le protéger des saccages, des convoitises multiples.

Ses œuvres entrent dans les collections du Frac Artothèque Nouvelle-Aquitaine ; elle est soutenue par la DRAC Nouvelle-Aquitaine et rejoint le réseau Documents d’Artistes Nouvelle-Aquitaine en 2019

Laurie-Anne Estaque vue par Olivier Cadiot

On peut entrer dans l’œuvre de Laurie-Anne Estaque par une carte postale, un fragment de tissu brodé, une grande carte ou une caravane de parpaings. Ce n’est pas le même voyage. Si l’on commence par le petit bout de la lorgnette, on observera dans une sorte de vitrine — même si c’est à l’air libre —, des collections de logos abandonnés. On s’attendrit presque devant ces orphelins arrachés à leur contexte. Une entreprise, c’est une vraie famille. Petits fétiches comiques, crocodiles rabougris, blasons absurdes, enseignes tristes, devises démodées, voilà ce qu’il reste de nos totems. C’est comme si l’artiste nous dévoilait du même coup la vieillesse et l’enfance des marques. C’est un Je me souviens de maintenant… pour plus tard. Un trésor sorti posément d’une décharge — on devrait envoyer cette collection dans l’espace, scellée dans une boîte hermétique

Les grandes marques redeviennent des bébés démunis, nuls si découverts — comme l’annonce le titre d’une série de broderies reproduisant des jeux à gratter. On comprend son envie de les découper, de les détourer, de les broder, de les border. Une bonne manière pour faire régresser en douceur le capitalisme. Ce n’est pas une idée seulement conceptuelle : ces objets pauvres (ex-riches) ne sont pas extraits ici sèchement et exposés en majesté. Il y a un moment où l’artiste se consacre à eux avec une étrange tendresse. On finit par s’attacher, grâce à elle, à tous ces réclames, ces claims, ces devises, ces cris de guerre de nos chevaliers d’industrie. On retapissera un fauteuil avec ténacité et, au lieu d’un Renoir de boîte de chocolat, on tissera un logo de Mars — qui, par chance, est le dieu de la guerre. On aimerait être engagé avec elle dans son atelier de contrefaçon à usage unique. On inverse les fétiches, on les pousse à bout, on les défranchise, on déreproductiblise, on remonte le temps à l’envers, on replace de force la vieille marque épuisée au moment de sa naissance. On fait l’archéologie de son lancement. Ça donne de petits monstres et des cravates importables.

Si l’on part dans l’autre sens et que l’on découvre l’œuvre de Laurie-Anne Estaque avec une pièce comme Europeana ou Francis & Togo on aperçoit d’innombrables signes, avec leur air de déjà vu (même si on les reproduit à l’envers) qui prennent place dans un paperboard d’entreprise, un planisphère détrempé, un grand dessin, une fresque pédagogique aquarellée — tout ça à la fois. Les sponsors ont dévoré entièrement l’affiche. On déchiffrera par exemple, l’affaire Bettencourt, dans la pièce de 2011, Les Français sont vicelards, avec son île au trésor gouachée, au centre, entourée de signes, d’êtres, d’événements, de dates, et de marques clignotantes. On mettra à nu froidement les liens entre tous ces êtres-marques — nuls, si enfin découverts. Et l’on refera l’histoire en tendant des fils, en allumant successivement ces logos qui concentrent des vies. Ces tableaux sont au bord de parler. Chaque objet posé à plat sur cette carte fonctionne comme un mémo, un dossier, une boîte contenant à chaque fois une partie du discours, il suffit d’enchaîner pour raconter les l’(les) H (h) istoire(s). On passera de détails à détails, on en profitera comme avec les esquisses d’un tableau en construction permanente. On les reverra plus tard, séparés, à l’occasion d’un nouveau projet de l’artiste — comme autant d’esquisses de mains, de pieds et de têtes : travaux préparatifs à une sorte de fresque politique.

On pourra aussi changer une nouvelle fois de point de vue, et, après avoir déchiffré les noms, les marques, les protagonistes de cette comédie humaine embrouillée, on apercevra de grands aplats de couleur. Ça fera un bien fou de revoir les continents monochromes après avoir découvert le pot au rose dans un flacon de shampoing. On admirera de grands planisphères, comme dans les deux séries Cartogrammes et Anamorphoses — très beau, si recouverts. Sauf, qu’à appliquer cette méthode, les idées noires réapparaissent. La série Erase the landscape est littéralement impressionnante. Des cartes postales inversent le paysage. On dirait des faire-part de deuil— il nous annoncent l’extinction du paysage et la survivance de quelque vieille pierre : un village en deuil de lui-même, une tour détourée au milieu du noir définitif. Un paysage romantique radical ou l’illustration d’une mauvaise nouvelle — comme 30 % d’oiseaux ont disparu en quinze ans. C’est de nouveau le moment de se détacher et d’aller voir ailleurs.

Ces différents chemins, c’est un peu le journal de l’artiste, un voyage permanent dans un gigantesque mall rempli de signes clignotants. Un monde réduit à ce qu’il annonce en grand. De croquis en croquis, on finira par diriger la lorgnette sur Lune, et sur sa face cachée — très belle, si découverte. On y retrouvera nos logos tachetés en version camouflage — pas si différents de nos globes oculaires remplis de phosphènes, nos petites enseignes lumineuses intérieures privées. C’est encore une histoire de marques. On découvrira la chose par étapes chromatiques dans le livre The South Side of the Moon. Un astronaute en a décrit la vue : L’autre face ressemble à un tas de sable avec lequel mes enfants ont joué autrefois. Tout est comme détruit, il n’y a pas de mots pour la décrire, juste beaucoup de bosses et de trous.

Une commande de Documents d’artistes Nouvelle-Aquitaine, 2018

documents d’artistes Nouvelle-Aquitaine

Parcours de Laurie- Anne Estaque

Laurie-Anne Estaque est née en 1972 dans la Creuse où elle vit et travaille.

Diplômée d’un DEUG mention ISAV (Image Spectacle Audio-Visuel) à l’Université Blaise Pascal de Montpellier et du DNSEP Art, elle s’installe dans la Creuse à Aubusson. C’est là où elle va consacrer son travail artistique à des thématiques récurrentes par l’utilisation de signes étatiques ou économiques comme les logos ou les drapeaux. Laurie-Anne expose peu mais régulièrement

En 2006, une grande partie de ses recherches sont présentées à La Menuiserie à Rodez sous le titre Toutes les routes pour aller vers Johnny. C’est à cette période que commence son travail autour de la cartographie

En 2007, l’exposition Trésor Public, à la Galerie AC/DC de Brest, est en partie consacrée à ces créations liées à la cartographie et aux icônes contemporaines, comme les jeux d’argent de la Française des Jeux ou les tickets à gratter de la loterie californienne

En 2009, son exposition L’idéal serait un projet s’attache à montrer une variété de dessins ainsi que deux grands projets cartographiques. Le premier, intitulé Europeana, une brève histoire du XXe siècle, est la pièce inaugurale d’une série à venir. Des dessins réalisés sur papier de grand format (180 x 130 cm) à la gouache, aquarelle ou crayon de couleur autour de thématiques ou d’ouvrages littéraires dont les dessins en sont en quelque sorte « l’illustration ».

Son exposition solo de 2013 à La Pommerie, résidence d’artistes de Saint Setiers (19) intitulée Francis et Togo est en partie consacrée à cette série de grands dessins accompagnés de cartographies brodées, notamment des cartes géologiques du pôle nord et sud.

Elle entre dans la collection de l’Artothèque du Limousin en 2005. Les œuvres acquises servent notamment à des projets pédagogiques avec des établissements scolaires

Sa vie en Creuse l’implique dans des projets associatifs avec Quartier Rouge autour de notions liées à l’espace public, et collectifs avec L’Atelier de géographie populaire du Plateau de Millevaches qui développe des ateliers de cartographie avec les habitants afin de mieux comprendre leur territoire.

Elle anime régulièrement des ateliers dans des établissements publics (écoles, collèges, lycées, IME, EHPAD).

Elle est invitée en Islande pour participer au Fresh Winds Festival, une résidence internationale qui s’est déroulée entre décembre 2015 et janvier 2016. C’est sur cette terre volcanique qu’elle commence à développer un travail de gouache et de broderie autour de la carte géologique de la lune The south side of the Moon. Une sérigraphie de cette carte en 20 passages est éditée à 30 exemplaires ainsi qu’un livre d’artiste (exemplaire unique). Ce travail d’édition est visible lors des rencontres MAD #2 — Multiple Art Days à La Maison Rouge à Paris du 30 septembre au 2 octobre 2016.

En 2018, elle termine le grand dessin L’Extraordinaire entresort (Le Mur de la mort), qui est le récit d’une attraction foraine dont elle a été co-fondatrice avec un collectif de pilotes-moto et comédiens

En 2019, Quartier Rouge lui propose d’inaugurer « ÉCLIPSES » une collection d’œuvres sérigraphiées. Elle réalise alors éclipse, une déclinaison du terme en 15 étapes éditées en 4 exemplaires qui sera notamment présentée à l’artothèque Les arts au mur de Pessac du 24 mai au 22 septembre 2019. Cette série est également présentée du 17 octobre 2020 au 30 janvier 2021 au Musée Despiau-Wlérick de Mont-de-Marsan pour l’exposition Danse danse avec la lune.

En 2020, elle commence la création d’un grand dessin sur l’exploitation de la forêt en France et plus particulièrement en Limousin sur le territoire du plateau de Millevaches

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