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Jola Zauscinska

HCE Galerie se transforme pendant quelques mois en atelier de travail pour Jola Zauscinska


MAGIE DE L’ART, ART DE LA MAGIE
vendredi 15 juin à 18h

Jola Zauscinska , artiste en résidence à HCE Galerie,performera un dessin en public.

Win Claire, artiste du Cirque du Vietnam, présentera ses numéros des arts du cirque et de magie.

Percer l’espace, est-ce possible ? Les figures que dessine Jola Zauscinska cherchent l’impossible : en cela, elles défient les lois, traversent les genres, et s’articulent dans le mouvement qui les déchire : autrement dit, elles crient. Yannick Haenel, in La dénudation selon Jola Zauscinska

Win Claire est née au Vietnam dans une famille hors normes. Son père, médecin, aime et pratique l’acrobatie, le karaté, le cirque, tout comme le grand père qui,à 90 ans présentait encore son spectacle d’arts martiaux. Portée par un milieu propice à la virtuosité physique elle se retrouve vite parmi les plus grands artistes de cirque de l’école vietnamienne, ainsi que ses deux frères qui, eux, poursuivront une carrière internationale et seront médaille d’or du cirque avec un incroyable numéro de « tête à tête ». Win Claire propose tout simplement de faire vivre des moments exceptionnels de magie et d’enchantement autour de mains prenantes, apprenantes, surprenantes, des mains capables de jongler et de faire résonner toutes les cordes de la vie. Georges Quidet

le samedi 23 juin de 15h à 19h (à suivre!)


YANNICK HAENEL
La dénudation selon Jola Zauscinska

Percer l’espace, est-ce possible ? Les figures que dessine Jola Zauscinska cherchent l’impossible : en cela, elles défient les lois,traversent les genres, et s’articulent dans le mouvement qui les déchire: autrement dit, elles crient

Regardez ces anatomies hérissées, ces béances de chair noire, rose,rouge qui demandent un corps, cette danse calcinée qui envoie des sexes se faire avaler par un soleil. Regardez ces territoires de rayures,ces coloris rythmiques où le féminin et le masculin cisaillent leurs différences, ces combinaisons de plis multicolores qui s’agencent comme des motifs de tapis

Les nerfs sont à vif : ils commandent d’extraordinaires, discrètes et inoubliables planches d’anatomie sur papier marbré. La gouache, l’encre, le stylo-bille rouge assemblent un espace dépouillé où tout est minutieusement écarté afin qu’une seule chose s’offre et se répète : la nudité.

Ou plutôt le dénudement — la dénudation.

Ça se tord, ça se convulse, mais à travers le silence de ces visages tournés vers l’absence, une supplique se formule qui s’apparente à la prière. La matière de la violence, chez Jola Zauscinska, est méditative. Sa finesse, tramée à la pointe-bille, fonde un univers douloureux où les volumes s’égalent à leurs contours : la vélocité d’une telle oeuvre s’élabore depuis la puissance du cri qui retourne l’anatomie et la lance à travers un déchaînement calme.

Percer l’espace, vous voyez que c’est possible. Ça a lieu à travers une naissance, une mort, un acte sexuel — et ici, ça se précise plus crûment : il y a une torsion originelle du corps, c’est elle que cherche Jola Zauscinska.

J’ai cette intuition face à ses dessins : elle veut fixer l’instant où notre corps se propulse hors de lui-même, où il s’invente un saut qui l’arrache à la matière. Ainsi l’angoisse qui agite les formes, et ne cesse de les amincir, trouve-t-il son expression la plus aiguë dans la cruauté : l’horizon du stylo-bille, c’est le trou dans la page. Crever la surface —déchirer sa propre peau — est l’acte viscéral qui guide ces singulières scènes musculaires (dessiner au stylo-bille, c’est être au bord de l’entaille, de l’incision, c’est masquer le couteau qui nous obsède).

Quand on regarde un cri, par exemple celui qui parcourt l’oeuvre,très prégnante ici, de Francis Bacon, on accède à une vérité insupportable : on comprend que le corps est avalé par le cri qui sort de lui.

Dans l’oeuvre de Jola Zauscinska, ça saute aux yeux, le corps sort du cri : il est souvent barré de sang, bâillonné, serré dans sa blessure

La fulgurance est toujours une manière de prendre la mort de vitesse : voici un oeil, un sexe d’homme qui pend, une main qui va vers la griffe, un soleil qui dévore la tête d’Adam et Ève et se met à repousser en noir entre les deux. La maigreur est un exil. Aucune forme ne suffit pour nous abriter : parfois on saigne, sans tête — il manque toujours quelque chose. Ce sont des torses barrés de noir qui sont mangés par leur ombre, des bois de cerfs inachevés, des bouches glissées dans leurs ténèbres. Nous les vivants, sommes-nous vivants ?
Du sexe à la parole, est-ce que ça circule ? (Quand la voix ne passe pas, le sexe pourrit.)

Alors est-il vraiment paradoxal de ressentir une forme de douceur face à ces terribles écorchures ? Les extases de Jola Zauscinska possèdent la violence du désir des saintes qui écrasent dans leur gorge la plainte qui les mène jusqu’au ciel ; cette violence est d’abord une lutte avec soi-même, avec l’inflammation du désir sexuel qui vous écartèle.

Ainsi cette grande scène de combat dépasse-t-elle la flexion du langage viscéral : elle établit un drame que la cérémonie du dessin,hantée par une oraison sourde, projette dans un espace sacrificiel sans doute inarticulable. Un silence absolument sidérant barre ici les rapports. C’est une oeuvre qui prend certes son origine dans une subjectivité tourmentée, mais qui se déplie comme une danse vers un au-delà de l’écorchement. Vers cette transparence fragile, toujours au bord de la grâce, où la dénudation ne s’adresse qu’à elle-même. Où la clarté d’une solitude dénude à son tour celui qui la regarde. Où elle lui pose une question timide, anxieuse, effrayante sur l’amour.

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