Soumisha Dauthel

OeuvresBiographieTextes
Soumisha Dauthel
Vit et travaille à Paris
Née à Saint-Raphaël, Var


Académie de France à Madrid 1985 – 86 – Artiste de la Casa de Velázquez
Master 1 Arts plastiques – Sorbonne 1 – Paris
Licence Lettres modernes et Art – Aix en Provence
Institut d’études politiques – Aix en Provence


Exposition personnelle


2016: “Cour intérieure” Galerie HCE – Saint Denis (lire)
2015: Open Art First International “Art Olympia 2015” – Tokyo – Japon
2014: Les journées européennes du patrimoine – Église St Gilles – Étampes
2014: Le masque dans tous ses états – Château de Saint-Auvent
2014: Works on paper NYC III – Jeffrey Leder Gallery – New York
2014: Exposition personnelle – Espace privé – Reims
2012: Art en Capital – Salon du dessin – Grand Palais – Paris
1994: Chapelle de l’ancien hôpital – Tonnerre – Yonne 
1993: Galerie Toner – Paris 
1990: Eighty à Suivre – Exposition itinérante – Musée des Beaux Arts Paris
1990: Centre d’Art Contemporain – Maison Cantoisel – Joigny – Yonne
1988: Galerie Diart – Madrid – Espagne
1988: Exposition personnelle – Centre d’Art Contemporain Passages – Troyes
1987: Galerie Novart – Madrid – Espagne 
1986 et 1987: Foire d’Art Contemporain ARCO – Madrid
1986: Installation  “Toile couchée comme bateau ivre” Centre Culturel de Troyes 
1984: Exposition personnelle – Centre d’Art Contemporain – Passages – Troyes
1985: Sculpture mobile – La Claverie – Acquisition DRAC Champagne Ardenne


Publications


Louis Doucet – Texte – 2015
Marc Pierret – Les nouveaux ateliers – Ouvrage de l’atelier 1981-2001
Jean-Pierre Thiébaut – In Revue Eighty 1990
Roger Balboni – Exposition au Centre d’art contemporain, Passages 1988

FLUX


Les tableaux que Soumisha Dauthel a regroupés sous le titre de « Flux » sont des collages qui assemblent des bribes, des petits riens, des fragments, des lambeaux d’expérience, des éclats qui ont tous été découpés aux ciseaux dans des peintures anciennes, taillés dans le vif des couleurs rutilantes , arrachés à l’exubérance de mondes ébauchés pour être placés, déplacés, réassemblés en dessins multiples.
Ces éclats sont animés d’une vie interne et résonnent de tous les échos qui se répercutent sur la chaîne des dérivations sémantiques du mot « éclat », telle qu’on peut la suivre dans le Littré ; ce sont d’abord des fragments « détachés par une force soudaine » qui surgit par effraction au sein de la surface, disloque une unité préexistante et en disperse les éléments. Puis, à l’instar des éclats de la foudre, du rire ou du courroux, ils se manifestent avec grand bruit, fracas et tapage : ce sont de très fortes réactions. De cette manifestation vive et bruyante on glisse vers ce qui, au propre comme au figuré désigne « une apparition d’une grande lumière », ce qui éclate, resplendit et rayonne, ce qui a de l’éclat. Chaque toile de cette série porte l’espoir de restaurer l’éclat de ce qui a volé en éclats, de traduire une illumination, déchirante et brève.
Un travail d’alchimiste est à l’œuvre dans ces collages : entrer au plus profond de l’hétéroclite pour en extraire la singularité, l’unité ; par le geste, le trait et la couleur effectuer une synthèse de cette expérience éclatée pour en faire jaillir l’harmonie ; montrer le rythme de tout ce qui se disperse de manière chaotique ; transformer en joyeuse énergie ce qui peut être destructeur. ..L’irruption d’une telle diversité bouleverse nos facultés de perception, les formes de la sensibilité que sont l’espace et le temps, sommées de rompre avec leur solidarité ordinaire et d’envisager de nouvelles formes de collaboration : c’est bien le triangle des déictiques de l’expérience, le je, l’ici et le maintenant qui est mis en première ligne.
Trajets en métro, promenades dans la rue, courses dans les magasins, tous les chemins de l’expérience ordinaire sont l’occasion d’être traversé par les bruits, les flux des personnes et leur cortège de messages et d’histoires, les rumeurs et l’actualité tragique du vaste monde. Tous ces éclats divers entrent sur la toile comme dans le champ de conscience, la sillonnent à grands traits, la zèbrent de leurs zigzags invraisemblables, s’affolent dans des courbes et loopings de couleurs vives .Il y a aussi les traces de ce qui a éclaté et qui laisse un sillage, un reste qui ne parvient pas à s’évanouir, un vestige qui peut encore nous éblouir. De multiples flux traversent les corps, produits de circulations et de rumeurs, de messages jetés au vent qui se disséminent, sans destination ni trajet propre, de bruits et de cette «  vie du dehors » : le rêve d’un monde où les choses s’accordent, se mettent à l’unisson « dans l’harmonie sentie » de l’expérience, se lient entre elles pour nous parler, peut il résister à la cacophonie de cet éclatement, de ces turbulences…

L’espace de la toile se raidit et résiste. Il y gagne une autre consistance, plus tendue et plus douce en même temps ; elle semble provenir non de l’extérieur, mais de l’intérieur : l’espace se reconfigure autour de l’espoir d’accueillir ces éclats du monde, de les lier et les relier dans l’expérience intérieure, de les serrer. Les tracés apportent une couleur particulière à nos va et vient dans l’espace, nos parcours et déambulations entre les mondes et donnent un aperçu de ces lignes invisibles où se rencontrent les moments apparemment éclatés et disjoints de la vie ordinaire. Les flux ne se contentent pas de passer, de traverser notre expérience, ils écrivent aussi des signes qui donnent une étendue palpable à cette configuration inédite, approchable en termes de géométrie, avec des angles, des lignes, des surfaces, et aussi de géomancie, avec des lignes de vie, de chance, ou de géographie symbolique. Les « flux » sont autant de calligraphies pour approcher la cohabitation des fragments de l’expérience, leur harmonie, « le sentiment des choses » accessible par ce sens externe de la sensibilité qu’est l’espace .Les signes sont dessinés comme des enluminures où l’architecture des interférences visuelles, les modulations chromatiques et les articulations des effets de couleur rythment la danse, l’énergie unificatrice de la vie, qui se propage d’un même élan à partir de la marche, de la déambulation vers ce qui court et s’envole, vers ce qui se répand à grande vitesse, vers ce qui file et fuit comme le temps, s’étend et s’étale comme la couleur dans l’espace de la toile.

Le remaniement de l’espace retentit sur le temps, celui des révélations soudaines et instantanées .Les fragments réunis sont empruntés à des temps bien différents, ils suggèrent une poussière d’instants, un temps en miettes et des rapports de l’esprit aux choses tantôt serrés, tantôt distendus dans l’attente, l’ennui, l’inactivité, l’occupation fébrile. Partout le temps se fait sentir : on le prend, on le perd, on en manque, on le tue et on le rate. Ces fragments de peinture collés à la surface se transforment en montage dans un plan qui fait coexister des nappes du passé et propage la pression du temps, sa tension et sa raréfaction. Le plan contracte dans l’instant les étincelles et les vibrations de tous ces moments de la vie quotidienne brassés par le flux et le reflux du monde extérieur, condense dans le jaillissement du trait et de la couleur la certitude de ne pas avoir raté cette unique matinée de printemps ou toute la lumière diffuse dans les sensations obscures d’un trajet en métro. A chacun son illumination dans l’éclair de l’instant!

Georges Quidet/ HCE Galerie