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Parole [d]éteinte

Pierre -Yves Freund

exposition du 18 mars au 8 avril

vernissage le samedi 18 mars à 17h30

vendredi 7 avril à 18h: Le regard de l’artiste lors de la mise en espace des oeuvres / rencontre et discussion avec Pierre-Yves Freund

Pierre-Yves Freund donne à travers ses mots et ses formes une présence ténue à ce qui reste, à la poussière et la cendre de ce qui a été, à cette matière au bord de la matière qui dure plus longtemps que les civilisations.

Il expose des pièces constituées de néons, plâtre et sable noir, référence aux fours Bessemer, quand retournés, emplis de métal en fusion dans les aciéries, ils illuminaient le ciel de lumière rouge, incandescente. Et de petites maisons  grises de poussière…

Nous suivons le travail de Pierre Yves Freund depuis longtemps, très sensibles à l’espace- temps dans lequel se déploie son travail, au continuum qui se cherche entre la mise en espace et l’éternisation du temps, comme si les choses perdues ou oubliées dans le temps qui passe se mettaient à revivre dans les configurations spatiales imprévues, surgies et aperçues au hasard.

La plupart de ses expositions investissent des lieux pour révéler tout ce qui a pu « y voir lieu » et y incarner , avec le minimum de chair et de matière, le fil essentiel de son histoire. Qu’est ce qui passe d’une ancienne poudrière bâtie par Vauban à une fausse chapelle devenue lieu d’exposition ? entre une mercerie de Tourcoing survivant en lieu d’art ?

Il travaille une matière banale autant qu’extraordinaire : le plâtre, une matrice aux potentialités infinies. Une pierre insolite ramassée au bord d’un chemin de l’Ardèche, une fois moulée et multipliée dans le plâtre pourra livrer le secret enfoui au plus profond de ses cavités, tout au long des infimes variations introduites dans la répétition des mêmes gestes, et le diffuser dans l’espace et le temps sacré d’une chapelle d’Annonay.

Rassemblés en installations, ses objets moulés et répétés dans leur schéma spatio-temporel épuré en quête d’une parole, d’une entente essentielle, entrent en dialogue avec un lieu qui les assemble. L’artiste sculpte des formes, et aussi des mots bien à lui, comme des images qui gardent en elles-mêmes une réserve de pensée, où s’attarde une trace, une empreinte de ce qui a été, ce qui n’est présent que dans l’effacement, l’oubli, la perte ; des formes et des mots qui interrogent, interpellent : éteinte, déteinte ?

Toute une partie de mon travail traite de la mémoire. Les pièces portent les traces de leur vécu, marques, petits stigmates. Les ouvertures suggèrent un espace intérieur, un lieu d’asile. Il y a la lumière, les ombres. « Vers le blanc » est une volonté de réduire mots et signes, d’approcher un très peu pour l’œil et l’esprit, où matière et sens restent présents. (P.Y F)

Le regard de l’artiste se rend attentif à tout l’inattendu des choses et des gestes qui se répètent, de la paume de la main et des doigts qui ont malaxé le plâtre, du moulage et démoulage des formes, de tout ce qui oriente vers un essentiel toujours différé et remis en question.

 « Un accroc, rien de plus qu’un incident, une incise dans les certitudes. Trébucher a sa place et nous rassure dans notre humanité. Il y a des biffures dans le paysage, des fissures dans le tout, un besoin de réparation peut être. Simplement continuer ».

C’est donc une bien étrange parole qui éclaire cette exposition, dans son écriture équivoque, entre ce qui est éteint et n’a plus d’existence et ce qui n’existe que comme un pâle reflet, une trace, un vestige à l’origine incertaine. Mais n’est ce pas le propre de l’œuvre d’art que d’osciller entre une présence très forte des formes, matières et couleurs et quelque chose de plus ténu, de plus atténué, ce qui n’est pas « de l’être », mais une trace au bord du néant et de l’absence, l’innommé que Duchamp nomme inframince, qui n’a pas la forte concaténation de l’être mais la puissance d’évocation du grain ou de la poussière des choses. Il revient à l’artiste de baisser la lumière pour le laisser surgir, de chuchoter, de baisser le ton pour entendre l’insoupçonné.

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