Katâyoun Rouhi

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Katâyoun Rouhi est née en 1965 en Iran, pays qu’elle quitte à l’âge de 19 ans, pour Lausanne d’abord, et ensuite Paris. Elle est diplômée des Beaux Arts et de la Sorbonne, où elle a soutenu une thèse sur l’origine de la création, sur le « lieu » où l’œuvre « a lieu ».A la fois poète et peintre, elle poursuit sa formation et sa quête dans de nombreux pays, Les Etas-Unis, la Grèce où elle expose ses œuvres. Son atelier est à Auvers sur Oise.

C’est la poétique de l’esprit d’enfance qui s’installe dans son travail depuis qu’enfant elle se laissait envahir par les images du « Shâh Nâmeh », le Livre des Rois, ce poème épique du Xème siècle retraçant l’histoire de l’Iran depuis la création du monde, placardées le long des routes iraniennes qu’elle parcourait avec son père. Cet esprit de l’enfance rêveuse et évasive s’incarne vraisemblablement dans cette petite fille en marche vers un monde qu’un regard étrange ouvre en forêt de symboles, en quête de l’Orient de son âme.

Cette notion essentielle est au centre de la réflexion de ces philosophes poètes qu’étaient les « Néo-platoniciens de Perse » que Katâyoun a beaucoup étudiés : Sohravardi ou Attar et sa « Conférence des oiseaux ».L’imagination, la faculté de produire des images, met l’âme sensible en quête de ces images au retentissement énigmatique,comme un appel ou l’ évocation d’un secret de la nature auxquels on ne peut se dérober : l’art, ici la peinture et la poésie, met sur le chemin de ce qu’il y a de plus natal en nous, où l’âme trouve son Orient, au sens de ce qui l’ oriente et l’ éclaire . Les arbres et les oiseaux de l’artiste se répètent, se font écho comme autant de ces images passerelles, s’effaçant pour révéler d’autant plus. La Beauté est un Appel !

L’itinéraire de formation et d’exposition de l’artiste est un peu à l’image de cette recherche de l’Orient, une succession d’étapes qui s’inscrivent dans une histoire intérieure dont les événements ne peuvent s’exprimer qu’en images ou en symboles. De Paris à Los Angeles, Athènes, Zurich et Téhéran… « Un Voyage en Orient »

site Katâyoun Rouhi


Katâyoun Rouhi

Née en Iran en décembre 1965
k-rouhi@club-internet.fr
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1982-1985: Fréquente l’atelier du peintre Gholamhossein Saber à Shiraz. Travaille d’après nature, copie des gravures de Rembrandt.

1985: Arrive en Suisse à 19 ans, admise à l’Ecole des Beaux-Arts de Lausanne. Quitte la Suisse pour travailler à l’École des Beaux-Arts de Paris, atelier Pierre Carron, comme élève libre, y préparant l’admission à l’école.

1986: Entre à l’École des Beaux-Arts de Paris.

1987: Voyage sur les pas de Giotto à travers l’Italie du Nord. À son retour à Paris, elle s’inscrit à l’atelier de fresque des Beaux-Arts.

1988: Travaille d’après modèle vivant, nus, esquisses, dessins et peintures. Expose avec l’atelier Pierre Carron au Salon des Artistes français, au Grand Palais.

1989: Commence à peindre des séries de portraits et autoportraits après l’achèvement des toiles Portraits de ma mère. Sélectionnée pour les expositions des prix de portrait et de dessin de l’Institut de France.

1990: Diplômée de l’École des Beaux-Arts devant un jury composé par Pierre Carron, Georges Jean Clos et Léonardo Crémonini. Expose dans un espace privé, 37, rue au Maire, Paris 3ème.

1991: Part pour l’Amérique où pendant six mois elle participe à des réalisations murales, entreprend des contacts avec les galeries de Los Angeles, et fréquente les musées. Sélectionnée au prix de dessin de L’institut, au prix André et Berthe Noufflard. Inscription à la faculté de St-Denis où elle suit le cours Art, Philosophie et Psychanalyse.

1992: Travaille sur l’autobiographie. Elle expose à l’espace Europe, rue de Liège, Paris 9ème, une série de tableaux intitulée Les années de la fontaine rouge et La vie continue.

1993: S’installe aux ateliers du Frigo dans le 13ème arrondissement, et y travaille pendant quelques mois sur des toiles de tendance plus abstraite. Obtention de la Maîtrise d’Arts Plastiques à Paris VIII – St-Denis ; mémoire intitulé Peinture autobiographique, sous la direction de Jean Perin, psychanalyste. S’installe en juin aux ateliers d’Auvers sur Oise, et s’inscrit en DEA à la faculté de Paris I – Panthéon-Sorbonne pour préparer un mémoire intitulé Le lieu dans la peinture.

1994: Poursuit le thème Une autre figure humaine dans une série de tableaux qu’elle présente en mars lors de son exposition personnelle à la galerie Maison Mansart, rue Payenne, Paris 3ème. Inscrite à la faculté de Paris I, elle suit des cours de critique esthétique et de théorie de l’art.

1995: Série de travaux sous le signe du Voyage à Pittsburg, d’après des carnets de dessins effectués durant l’automne 90 aux États-Unis. Obtention du D.E.A d’Esthétique et Sciences de l’Art, sous la direction de Marc Jimenez, philosophe.

1996: Poursuit sa peinture selon les mêmes principes que l’année précédente, en approfondissant le thème du souvenir d’enfance avec Petite fille à la balançoire. Prépare une thèse de Doctorat en Esthétique et Sciences de l’art, à Paris 1 – Panthéon Sorbonne, sous la direction de Geneviève Clancy, philosophe et poète. Le travail de recherche concerne L’Ontologie du lieu. Participe aux portes ouvertes des ateliers d’artistes d’Auvers sur Oise.

1997: Participe aux Dix jours de l’Art Contemporain, à l’initiative du Ministère de la culture, galerie d’art contemporain d’Auvers sur Oise. Travaille sur le thème Trente ans de souvenirs. Coordination d’ateliers d’arts plastiques dans le milieu scolaire de Cergy Ville nouvelle autour de l’exposition Jean Bazaine, pour le SAN (Syndicat d’agglomération Nouvelle) de Cergy Pontoise, dans le cadre d’un stage professionnel accordé par le Centre Georges Pompidou.

1998: Exposition personnelle, Trente-trois ans de souvenirs, Galerie Dominique Vivens, 69, rue Quincampoix, Paris 3ème.

1999-2000 : Travaux de peinture tirés d’œuvres poétiques. Poursuit ses recherches en sciences de l ’ art.

2001 : Exposition de peinture, Rencontre avec cinq Artistes d’Aujourd’hui, salle Hubert Renaud, Cergy Pontoise. Exposition de peinture, dans le cadre des Portes Ouvertes, Galerie d’art contemporain, Auvers sur Oise. Tempora, salon international d’œuvres sur papier, Espace des Calandres, Eragny sur Oise.

2002 : S’entretient avec l’écrivain iranien Shahrokh Meskoub dans le cadre de ses recherches autour du où et du non-où. Travaille sur les thèmes Voyage en Orient et Les enfants et la guerre. Expose dans son atelier, dans le cadre des Portes Ouvertes des ateliers d’Auvers sur Oise.

2003 : Poursuit ses travaux de peinture en réalisant des séries de grands formats qu’elle présente lors des journées Portes Ouvertes des ateliers d’Auvers. En juin, soutient sa thèse de Doctorat d’Esthétique, salle J.B. Duroselle à la Sorbonne, devant un jury composé de Geneviève Clancy, Paul Ballanfat et Mehrzad Pourmir.

2004 : Invitée d’honneur à la Chapelle St-Léonard de la ville de Croissy. Part à Athènes en mai pour participer à l’exposition internationale, 38ème parallèle, au Skironio Museum Polychronopoulos, exposition qui durera jusqu’au mois de septembre. Elle présente ses travaux sur le thème du dévoilement à l’occasion des journées Portes Ouvertes de la ville d’Auvers.

2005 : Elle entreprend une série de travaux en rapport avec son sujet de recherche, Où est la demeure de l’ami ?, dans lesquels elle développe essentiellement le thème de l’arbre comme sujet. En février, elle participe à l’exposition Les femmes s’exposent à la villa Daumier de Valmondois. En juin, elle présente sa série de travaux sur l’arbre dans son atelier.

2006 : Exposition personnelle, Où est la demeure de l ’ Ami ?, à la galerie d’art contemporain d’Auvers sur Oise. Elle rejoint quatre autres artistes pour participer à l’exposition Partir sans laisser d’adresse, à la mairie de Saint Ouen l’Aumône. Elle investit en Mai l’église de Jouy le Comte dans le cadre de Huit artistes dans huit Églises du Val d’Oise, sous le thème :La lumière et l’homme.

2007 : Commence à développer essentiellement le thème de Ut Poésis Pictura pour confronter son écriture à sa pratique picturale dans une série de travaux de grand format.
Participe à l’exposition Panorama de l’art en Val d’Oise au Centre culturel de la ville de Taverny.

2008 : Pour Les journées du Patrimoine en septembre, elle investit l’église de Louvrais à Pontoise. Participe à l’exposition Les Arts Papiers à Nantes. Expose pour la première fois à Téhéran, à la galerie Hour, avec les anciens élèves de l’École des Beaux-Arts de Paris. Exposition chez Frédérique Ventos à Tournai en Belgique.

2009 : Exposition « Les femmes exposent », à la villa Daumier de Valmondois . Les atelier portes ouvertes de la ville d’Auvers sur Oise.
Présente à Artcurial, exposition et la vente aux enchères des artistes iraniens pour la première fois à Paris .

2010 : La mairie de St Ouen l’Aumône de juin à septembre. Elle participe à des dix ans de « villa Daumier » à Valmondois. En octobre, elle présente son travail à la maison de vente « Christie’s » à Paris et en décembre à « Sotheby’s » pour la vente qui a lieu à Qatar autour des artistes Iraniens et remporte un vif succès aux deux ventes. Publie son ouvrage intitulé : « Ontologie du lieu » dans la collection esthétique des éditions de l’Harmattan au mois de novembre.

2011 : Exposition « Ut poesis pictura », Galerie Taïss, Paris ; de 10 mars au 7 mai.
Art Paris 2011 au Grand Palais avec la Galerie Taïss.
Librairie galerie « 23ème marche », Auvers sur Oise en juin.
Sotheby’s, Des artistes contemporains arabes et iraniens ; Londres en Octobre.
Christie’s, Des artistes contemporain arabes, turcs et iraniens ; Dubaï en Novembre.
Espace « Christie’s », Paris ; pendant la semaine FIAC.

2013 : AB galerie, Zurich, Suisse. 10Avril- 16 mai.

2015 : Galerie d’art contemporain d’Auvers sur Oise, exposition « images visibles et formes cachées », Auvers sur Oise, Octobre-décembre 2015
Shirin Art Gallery, exposition personnelle intitulé « Visible image and canceled poetry », Tehran, Iran. Novembre 2015.

2016 : Musée d’art contemporain d’Ahvaz, Iran; exposition collective« Bleu persan », Janvier-Mars 2016
Noor festival, exposition « The writing of Art », Ismaïli Center, Londres. Novembre

2017 : Gerald Moor galerie, Londres, exposition « The Ocean can be Yours », Février-avril
Café des Négociants, art contemporain, exposition « sur Parole », Nantes, Mars 2017.
Magic of Persia, « fundrising exhibition », en collaboration avec Christi’s, Monaco, Juillet –
Écriture de l’ombre, HCE Galerie, Saint-Denis

– MOP Foundation, Christie’s, Monaco, Juillet.

2018

– Mundus Imaginalis, Haleh Gallery, Munich (Allemagne)

– Art Papier, Artéva, Nantes, France.

– MOP Foundation, Los Angeles ( États-Unis)

2019

– Quand la nature se dérobe, HCE Galerie, Saint-Denis.

– A Garden Beyond, Shirin Gallery, Téhéran (Iran).

– Mur, Mur… , Galerie d’Art Contemporain, Auvers sur Oise.

– Disobedient, Haleh Gallery, Münich (Allemagne)

2020

– Chiaroscuro, Haleh Gallery, Münich (Allemagne)

– Subjectile, HCE Galerie, Saint Denis.

2021

– Abou Dhabi Art Fair, Abou Dhabi (Emirats)

– Menar Art Fair, représentée par Shirin Gallery, Foire d’art contemporain, Paris.

– Abou Dhabi Art Fair, représentée par Shirin Gallery, Foire d’art contemporain, Abou Dhabi (Emirats)

2022

Silsila, Institut des cultures d’Islam, Paris

Collection :

Fondation et musée Skironio-Polychronopoulos, Athènes, Grèce.

Fondation et musée de Méshkinfam, Shiraz, Iran.

Publication :

« Ontologie du lieu, voyage au pays de non-où » préface de Christian Jambet.
Éditions l’Harmattan, dans la collection esthétique de l’art.


L’œuvre de Katâyoun Rouhi concentre sur l’espace de ses toiles les résonnances de trois images qui ne cessent de se répercuter d’échos en échos, celle de la petite fille vue de dos, de l’arbre et de l’oiseau. Ces trois images retentissent comme un appel, un avertissement : l’artiste est en quelque sorte appelé à découvrir dans ses sensations un secret de la nature, comme si elle cachait quelque chose au-delà de la vision, qu’elle invitait à découvrir. La répétition laisse entendre que l’artiste ne peut se détourner de cet appel et que, sans céder à l’imaginaire, il se doit de travailler à la révélation de ce qui se dit tout en se dérobant dans l’évocation. Cueillir dans le flux des impressions l’épiphanie de l’arbre et de l’oiseau, la révélation éphémère d’un autre monde, invisible dans le visible. L’accueillir sur la toile en respectant ses apparitions et ses évanescences, son « amuïssement », cette façon d’être là sans être audible, de donner un lieu à ce qui n’est pas localisable, d’affirmer son existence en lui réservant une place. Et enfin de le recueillir à tous les sens du terme, parce que cette quête de l’invisible confronte l’esprit à ce qui erre et peut s’égarer, se perdre et l’œuvre n’en finit pas de rassembler des visions dispersées, de les archiver et de les enregistrer, d’en faire un florilège

Ces images retentissent depuis un monde lointain, bien présent dans l’âme de l’artiste : La Perse légendaire, avec les miniatures du « Livre des Rois » qui l’habitent depuis son enfance en Iran, la poésie de Hafez, les récits prophétiques des « Néo-platoniciens de Perse » qu’elle a étudiés dans une thèse. Ce retour aux sources donne une première clef à qui veut pénétrer l’énigme de ces images : l’œuvre comme la vie est un voyage de retour vers l’âme, si l’on entend par « âme » ce qu’il y a de plus « natal » en nous, à laquelle on accède par tous ces « laissés là »intimes échoués sur les marges de notre conscience et qui ne cessent de résonner. Les oiseaux, dans « la Conférence des oiseaux » de Attar partent à la recherche de leur roi, ils doivent traverser sept vallées semées d’écueils et de dangers où ils risquent de s’égarer, et réalisent à la fin qu’ils ont trouvé, non leur roi, mais leur « soi », leur âme. L’enchaînement des visions de l’oiseau dans le travail de Katâyoun reprend les thèmes des grands récits symboliques de Attar, Sohrawardi ou Rumi, une succession d’étapes dans un exode périlleux qui est la vie intérieure de l’âme à la recherche de son « Orient », de ce qui l’éclaire et l’oriente. L’Orient n’est pas celui de la géographie, c’est le lieu intérieur où se produit la lumière, où les images se lèvent comme on dit que le jour se lève ou que le vent se lève .C’est donc tournée vers son orient que l’artiste cueille l’image de l’arbre ou de l’oiseau dans la lumière de leur apparition, dans leur fraîcheur matutinale, à cet instant paradoxal où à peine sorties de l’ombre et de la nuit elles sont déjà dans une vive clarté.

L’espace de la toile peut il être aussi sensible que l’âme, aussi transparent que ces révélations intimes et spirituelles, aussi ouvert que le cœur peut l’être à l’invisible ? La lumière intérieure aux tableaux éclaire sans exposer de forme ou de figure, elle laisse à ce qui surgit de l’ombre sa part d’ombre et de mystère, de telle sorte que l’ombre garde sa lumière. L’arbre est très peu charpenté, c’est un essor, le déploiement dans le ciel à partir de la terre de la sagesse ou de l’amour (Ibn Arabi, L’arbre du monde).Il na pas de forme ou de visage et laisse se diffuser une atmosphère, une aura qui émane de son absence, en quête de la sensibilité apte à la recevoir, qui en appelle à la poésie, au pouvoir qu’a l’écriture poétique de féconder les mots et l’espace où ils s’écrivent. C’est ainsi que Katâyoun comprend le « ut pictura poesis » des latins : La peinture et la poésie sont des façons de se propager dans l’être en augmentant son étendue, des « extensions » de l’âme. Ainsi va-t-elle féconder le sol de sa peinture en semant des lettres fertiles, en calligraphiant ses propres poèmes, mais à l’envers, de telle sorte qu’en s’effaçant le sens ne laisse apparaître que la trace même de l’écriture poétique dans son pouvoir d’incarner le mouvement vers ce « lieu » des événements de l’âme. Ne garder de la poésie que son essence, son souffle premier : emporter vers l’ailleurs. Cette écriture détournée dans sa calligraphie guide le regard dans l’absence de trait et conduit à l’apparaître, au lever de l’arbre dans l’imagination ;mieux que le dessin qui a tendance à délimiter la chose dans un objet qui la rend perceptible et compréhensible, le signe écrit dans le monde poétique ou prophétique est un « corps subtil » qui assure le face à face avec la présence même de la chose, le véhicule d’une union amoureuse entre un signifiant et un signifié et de tous les secrets de cette union. Le grand mystique soufi qu’est Ibn Arabi s’est longuement penché sur cette dimension de l’invocation dans les lettres et les syllabes composant un nom. Pour ce qui est de l’arbre dans son écriture arabe il isole une racine qui produit les mots « semence », graine, pépin, noyau mais aussi amour et désir, si bien que le mot arbre propage les trésors cachés dans la sève de la parole divine. « Les créatures ressemblent aux lettres dans le souffle de celui qui parle » conclut –il ! Certes le persan et l’arabe sont différents, mais l’écriture semble jouer à fond son rôle incantatoire et hiératique, appeler les choses à se révéler…

HCE Galerie / juin 2017


L’Arbre

Si je caractérise mon travail par la figure de l’arbre, ce n’est pas pour un plaidoyer simpliste à l’écologie. Je soutiens l’idée de la présence de l’arbre comme ce qui existe « en soi et pour soi ».

l’Arbre pour moi, évoque le monde imaginal(1) et le mont de Ghaf(2) où Simorgh(3) se niche… ce même Arbre, unique adresse, qui est le seul repère laissé par Sohrab Sepehri (4) afin de retrouver la maison de l’Ami

Comme dit l’artiste britannique Antony Gormley (5) : Il est difficile de trouver un morceau du monde qui ne soit pas connecté à l’arbre ou à l’ombre qu’il porte.
L’esthétique de l’art iranienne en général et dans sa peinture en particulier, est basé sur la représentation d’un monde caché, qui serait censé montrer dans son aspect apparent le mystère de cette part dissimulée qui nous échappe; l’Arbre, est l’apparent de ce monde mais son véritable sens est ce qui renvoie au mystère de ce qui ne peut être vu.
L’arbre, n’est pas simplement la présenté d’une simple vie de plante. Il est ce qui lie le sol, donc l’horizontal, au sous terrain invisible, l’anté- horizontal au ciel infini, donc le vertical et même au-delà, au post-vertical.
L’arbre est là pour rappeler que la lumière « est » ; et la lumière est causa sui….cause d’elle-même.

L’arbre des miniatures persanes, au-delà de la symbolique des jardins du paradis, est le symbole de la réalisation des deux mondes ; là où le sensible et l’intelligible se rencontre ; Le « non-où » de la philosophie de l’Orient, est là où le Simorgh d’Attar (6) se trouve perché sur l’Arbre. Le mont Ghaf(7) de Attar est le Na Koja Abad du philosophe des lumières : Sohravardi(8) . L’Arbre du mont de Ghaf, n’est pas seulement le support qui soutien le Simorgh. Les oiseaux d’Attar partent de l’arbre où l’annonce de la quête a eu lieu ; et reviennent se poser sur l’arbre où la quête s’est vue réalisée !
L’arbre porte et transporte. Il est l’endroit où le Soi se réalise. L’Homme d’Attar, symbolisé par l’oiseau, part de l’Arbre et devient l’Arbre. Et c’est enfin la Lumière, posée sur l’arbre qui révélera « les trente oiseaux »(littéralement Si-morgh) en tant qu’ultime accomplissement de l’existence, déployés sur l’Arbre. L’Homme sera enfin accompli sur le chemin de devenir, que quand il découvrira dans sa projection, la superposition de la Lumière avec lui-même dans l’ombre de l’Arbre.
C’est ainsi que prendraient leurs sens, les trois piliers de l’esthétique persane : Beauté, Amour et Nostalgie.

Si l’Arbre symbolise depuis des siècles la nature qui relie dans sa verticalité l’homme au cieux, il est non seulement le symbole, mais la Nature elle-même. La « Nature naturante » dont Spinoza (9) dirait qu’elle donne littéralement « Vie ».
Alors si la projection de la vie dans le futur, est la condition de pourquoi vivre de l’instant présent, il n’y a que la Lumière, qui dans Sa projection crée l’ombre de l’arbre afin que l’on puisse se sentir vivre…

Katâyoun Rouhi


(1) « La fonction du mundus imaginalis et des Formes imaginales se définit par leur situation médiane et médiatrice entre le monde intelligible et le monde sensible. D’une part, elle immatérialise les Formes sensibles, d’autre part, elle « imaginalise » les formes intelligibles auxquelles elle donne figure et dimension. »Henry Corbin ; Corps spirituel et Terre céleste, le Prélude à la deuxième édition (1978) s’intitule « Pour une charte de l’Imaginal ».

(2) montagne cosmique n’ayant pas d’existence géographique concrète et porteuses de sens spirituels très riches. La montagne de Qâf, axe cosmique, entourant notre univers est cité comme l’endroit de la septième vallée dans le compte mystique « Conférance des oiseaux » de Attar, là où Simorgh réside.

(3) D’un point de vue étymologique, le nom « Sîmorgh » dériverait du sanskrit « Syenah », désignant l’aigle. Le sens du préfixe ” si “, signifiant ” trente ” en persan, suggère toutefois que ce volatile serait aussi grand que trente oiseaux réunis (« morgh » signifiant « oiseau »).

Selon les légendes iraniennes, il aurait connu trois destructions du monde. Sa longévité lui aurait ainsi permis d’accéder à la connaissance suprême. Selon d’autres récits, il pourrait vivre jusqu’à 1700 ans avant de se consumer dans les flammes pour renaître ensuite de ses cendres sous la forme d’un nouveau Sîmorgh.

Dans la littérature persane et dans les diverses œuvres artistiques où il apparaît, il a souvent pris la forme d’une créature ailée ressemblant à un paon pourvu de longues griffes et à la tête, tantôt humaine, tantôt animale. Paré de plumes de couleur cuivres ou pourpres, il fait en outre preuve d’une hostilité envers les serpents.

Demeurant dans la montagne sacrée, il possédait le langage humain et servait de messager. Transportant également les héros à de grandes distances, il leur laissait aussi quelques-unes de ses plumes, qui, se consumant, avaient le pouvoir de les convoquer en quelque lieu qu’il se trouvât.

Selon certains récits chiites, il nichait au sommet d’un arbre extraordinaire (Tûba ou Arbre de la Connaissance). Portant les graines de toutes les plantes existantes, cet arbre se situait au cœur de la montagne de Qâf, se trouvant elle-même au sommet du Malakût, monde imaginal, destinée de l’âme.

Enfin, il est aussi écrit que : « la secousse provoquée par son envol fait tomber de l’arbre Tûbâ toutes les graines de toutes les plantes du monde. Ces dernières prennent alors racine et se développent sur terre, fournissant aux hommes des remèdes contre leurs maladies ». Si le Sîmorgh est ainsi considéré comme un symbole de fertilité, il demeure avant tout un médiateur entre le ciel et la terre.

(4) Sohrab Sepehri (en persan سهراب سپهری), né à Qom le 7 oct 1928t mort à Téhéran le 21 avril 1980 est un des grands poètes iraniens du XXème siécle.

(5) Antony Gromley, est un sculpteur anglais, né le 30 août 1950 à Londres.

(6) Farīd al-Dīn ʿAṭṭār (en persan: فَریدالدّین ابوحامِد محمّد عطّار نِیشابوری, ) est un poète mystique persan, né en 1142 à Nichapour dans le Khorassan, mort entre 1190 et 1229 à Neyshapour où se trouve son tombeau.

(7) le métaphysicien médiéval Sohrawardî surnommait cet inter-monde des visions théophaniques : Nâ-kojâ-Âbâd, littéralement le « pays du non-où », l’utopia (le « non-lieu »), marquant par là sa situation trans-mondaine, en tant que lieu des possibles (H. Corbin précisait à ce propos que ce situs psychique n’était « pas situé mais situatif »).

(8) Shahab od-Din Yahya Sohrawardi (en persan: شهاب الدين يحيى سهروردى) est un philosophe, fondateur de la philosophie « illuminative », né en 1155 à Sohraward en Iran, mort le 29 juillet 1191 à Alep en Syrie.

(9) Baruch Spinoza,né le 24 novembre 1632 à Amsterdam et mort le 21 février 1677 à La Haye, est un philosophe néerlandais dont la pensée eut une influence considérable sur ses contemporains.


Les cartes de l’entre-monde, exposition subjectile mars 2020

Katayoun Rouhi a déjà exposé à HCE Galerie ses peintures qui trouvent leur origine dans la grande tradition persane du 12ème siècle et les Miniatures. Au centre de sa recherche il y a l’approche du « monde imaginal », auquel la sensibilité et l’imagination peuvent avoir accès par le biais des résonnances ou retentissements intérieurs d’images privilégiées, celles de l’arbre, de l’oiseau et de la petite fille à la robe rouge à pois blancs qui sont comme des passerelles pour s’arrimer à ce qu’il y a de plus « natal » en nous, à tous les secrets enfouis dans l’âme.

Elle poursuit son exploration métaphysique dans un carnet de dessins très épurés, très limpides et poétiques. Le trait se fait fluide et ductile pour conduire dans le labyrinthe de l’âme ; il étire les lignes pour assurer le lien et la continuité des vivants dans la participation à la nature, au sol et au ciel, au minéral et au végétal. L’arbre se simplifie à l’extrême, se transforme en antenne pour capter cet autre monde. Katayoun le dessine comme s’il grandissait en elle entre terre et ciel, se courbait et se cambrait en pondérant les masses autour de lui avec une légèreté infinie, se pliait aux injonctions de la petite fille avec sa robe d’enfance de l’art. Elle a besoin de lui pour s’enfoncer dans son chemin d’ombre et de mystère, traverser les voiles de bleu. A parcourir le carnet, et même les trois dessins exposés, le regard se prend à considérer le dessin comme une cartographie intérieure de l’âme dont on peut lire le cours dans cette ligne axiale autour de laquelle le corps se déplie et s’enveloppe, se ramifie. La ligne de l’âme, la ligne de son horizon.