Joseph Kurhajec

PresentationOeuvresBiographieTextes

Joseph Kurhajec

Il est né en 1938 dans le Wisconsin. Après une enfance dans un ranch où ses grande parents, originaires de Tchécoslovaquie, étaient à la tête d’un élevage de visons, il choisit d’abord d’étudier la sculpture sur métal à l’université du Wisconsin, mais c’est une exposition de fétiches du Congo à l’Art Institute de Chicago qui, en 1961, va décider de son orientation artistique .Il a travaillé successivement à New York, Rome et en Angleterre et s’est installé à paris en 1987.

Pour évoquer son pouvoir créateur et la force de ses œuvres, Joseph utilise des formules comme « injecter du spirituel dans mon travail » ou « débusquer la présence du sacré et de la magie dans l’art ».Qu’est ce qui caractérise l’esprit de l’artiste, qu’est ce qui donne cette force et cette présence à chacune de ses œuvres ?

1-c’est d’abord un esprit d’observation et d’attention constantes à la création telle qu’elle se manifeste dans la nature et « le spectacle du monde ».Il n’est pas indifférent de savoir que cet artiste est aussi un grand chasseur et un grand pêcheur qui partage avec ses proies cette qualité d’être toujours en alerte, aux aguets, de détecter les moindres signes pour les interpréter. Joseph nous donne cette possibilité de faire un portrait de l’artiste en chasseur ou en pêcheur. l’art a aussi affaire à cette capacité de traquer le moment où surgit la rencontre, l’inattendu, l’inhabituel, à le saisir sans le laisser passer.

50 ans de création, 50 ans où son esprit a été préoccupé par la création ont affiné le pouvoir de détecter les matières minérales ou animales, les objets échoués susceptibles de rejoindre son œuvre et de retrouver une nouvelle vie dans son imaginaire. Tous ces matériaux qui seront incorporés dans une sculpture avec le minimum de transformations ont tous des contextes de rencontre et un devenir qui les transfigure. Ces clous enfoncés dans un crane pour donner à cette statuette la force d’un fétiche congolais ont été trouvés et achetés dans un souk du Caire, âprement marchandés…cette pièce de harnais qui entrave ce visage de l’animalité provient des puces de Vanves, et joseph évoque encore aujourd’hui le bonheur d’avoir trouvé cette pièce qui va donner une toute autre signification à une pièce déjà existante. Il ne va pas toujours très loin pour ces trouvailles : les branches de marronnier qui donnent de l’ombre à son atelier parisien deviennent avec deux traits de scie et quelques coups de râpe ces merveilleux serpents voluptueux…

2-l’échange réciproque et le dialogue avec toutes les civilisations du monde. Pour être toujours surpris par l’inattendu et garder en alerte son sens de la création, l’artiste a besoin de voyager, de quitter son chez soi, ou de trouver son chez soi partout où il va. Il ne travaille jamais mieux que lorsqu’il est ailleurs. Il ne tient pas en place entre Paris, son village de Treadwell dans les Appalaches et le Mexique. Joseph ne voyage pas au sens propre du terme, il travaille avec les artistes qu’il rencontre et s’imprègne de l’imaginaire, des mythes et légendes des endroits traversés. Il est allé travailler avec les Inuits, dans le Nord du Canada, il a fabriqué avec eux des statuettes et des masques Yup’ik et s’est imprégné de toutes les ressources animistes de la création. Avec des Indiens d’Amérique proches de Treadwell il s’est initié aux figurines qui accompagnent le chamanisme. Il est allé aussi travailler avec des « singuliers » de l’art en Scandinavie, en Hongrie, et en France !Il ne fabrique pas des fétiches ou des totems, mais il s’est imprégné de tout l’imaginaire des civilisations rencontrées, des manières différentes de figurer l’invisible dans le visible, de l’exercice brut de la création. Il s’est incorporé tout cela dans la main, et ses œuvres semblent maintenant sortir spontanément de sa main, avec une « manière » qui est bien à lui ; inimitable.

3-Ce travail d’échange accompli avec les civilisations se nourrit aussi d’une confrontation avec l’histoire de l’art, avec des références explicites, dans ses gravures, à Dürer, Goya , Picasso… et aussi toute la tradition populaire de l’art, du folk art jusqu’à l’univers de la BD. Ajoutons même que c’est un grand collectionneur d’art africain…

À VENIR

 


Joseph Kurhajec : un art ensauvagé

Les sculptures de Joseph, qu’elles représentent des Dieux ou des animaux, alignent avec une intensité déchirante leurs formes exubérantes, extravagantes, excessives dans un monde sorti de ses gonds. En même temps elles se raidissent, s’arc-boutent et se hérissent de toute cette profusion de poils et de cornes, se rétractent contre le sort qui leur est fait, dans une attitude de protestation muette, féroce et sarcastique, celle du rire qui dévore la chair et grince devant la mort .Au cœur de la férocité se niche toujours une forme de rire, au point que la mort elle-même semble rire de l’effarouchement qu’elle provoque.
L’œuvre commence avec la collecte de tous les éléments, la joyeuse constitution d’un « panier de chaman »: des signes primordiaux, vestiges du jeu de la vie et de la mort, des crânes, des os, des dents, des fourrures, des cornes et des bois, des plumes …des quantités d’objets hétéroclites qui ont tous une histoire dans une attention vigilante au monde, à intégrer dans cette panoplie de lutte contre les dérèglements du monde, dans sa pharmacopée personnelle : des clous pour envoûter, pour induire des maladies ou des remèdes, négociés âprement dans un souk du Caire ; des crânes et des mues de reptiles apparemment puissants et dangereux ,prélevés dans un désert, des crânes de bovidés plus placides arborant des cornes magnifiques, ramassées en Laponie ; Des pierres plates, glanées au cap Nord, à l’extrémité de l’Europe face à l’océan glacial ; une tête de brochet, naturalisée ; un harnais acheté aux Puces, des cordes tressées, nouées… Porté par la voix de cet artiste toujours aux aguets et son œil particulièrement vif, cet inventaire est déjà une œuvre en soi. .
Tous ces objets entrent dans des compositions particulièrement fortes et inquiétantes, comme des dards qui s’enfoncent dans les habitudes convenues et s’ouvrent sur un fantastique fait de déviances, d’ambiguïtés et de dédoublements, de transgressions : les chats ont des gueules de chiens, des excès de griffes, ils exhibent des sexes mâle et femelle ; ils portent la vanité de l’expérience humaine, des crânes bien ficelés…Ce Vaïnomoïnen sorti du Kalevala, tout en fureur, ouvre une bouche immonde et une langue obscène, turgescente, comme le brochet géant qu’il va tuer pour en faire un instrument de musique tout puissant, capable d’endormir ou de faire pleurer ceux qui l’écoutent. Cet équivalent nordique de notre Orphée fait de la musique, de manière bien sarcastique, un sortilège aussi violent que poétique .Les sculptures, de même que les gravures, émergent des désastres du monde, des guerres, des maladies, de cette grande nuit à la Goya, d’un monde tuméfié. Elles ouvrent sur une véritable galerie de monstres, au sens propre du terme, celui d’avertissement, de signe, de témoignage de dérangements de la nature, prémonitoires de ce que les dieux nous réservent, qui sont posés sur leur socle avec l’aura et une présence comparable à celle des fétiches, avec leur double puissance de menace et d’exorcisme…

Joseph kurhajek est cet artiste contemporain qui explore comme un chercheur et un poète les grandes questions de la conscience humaine confrontée aux désastres du monde, qui a ouvert avec une énergie peu commune ce chantier où il a besoin de tous les savoir faire, ceux que la civilisation productrice de ces mêmes désastres a ensevelis et oubliés. Il a cherché le geste, le coup de main, le coup de griffe aussi, le rapport actif au monde, le travail singulier de ceux qui sont restés à l’écart de la civilisation. Il travaille avec les artistes qu’il rencontre et s’imprègne de l’imaginaire, des mythes et légendes des endroits traversés. Il est allé travailler avec les Inuits, dans le Nord du Canada, il a fabriqué avec eux des statuettes et des masques Yup’ik et s’est imprégné de toutes les ressources animistes de la création. Avec des Indiens d’Amérique proches de Treadwell il s’est initié aux figurines qui accompagnent le chamanisme. Il est allé aussi travailler avec des « singuliers » de l’art en Scandinavie, en Hongrie, et en France, en Inde et en Chine .Il ne fabrique pas des fétiches ou des totems, mais il s’est imprégné de tout l’imaginaire des civilisations rencontrées, des manières différentes de figurer l’invisible dans le visible, de l’exercice brut de la création. Il s’est incorporé tout cela dans la main, et ses œuvres semblent maintenant en sortir spontanément, avec une « manière » qui est bien à lui – inimitable- et un style, qui court dans toutes ses œuvres, depuis ses « goddess »en bois à ses sculptures, en passant par les gravures et les « jouets » (on pense à ses merveilleuses boites de sardines)
Toute sa production répond à une esthétique de l’événement, du coup, de la réussite de ce geste qui consiste à lier, à serrer suffisamment fort et bien pour que ça prenne ; tous ces collages, qui rassemblent des choses imprévisibles, prélevées dans son « panier du chaman » sont des « synthèses de la diversité empirique » qui mettent en avant une unité, une force jaillie de l’hétéroclite, qui s’en empare et la transforme de manière singulière. En liant avec une corde des fragments d’os, des pierres, des plumes et des poils, chaque collage produit un choc et des étincelles, une idée de ce dont on avait « même pas idée », avec un art subtil de creuser de l’écart pour mieux susciter les modalités diverses du lien, le croisement, le frottement, l’association, la conjugaison . Le résultat le plus visible est peut être de donner naissance à un monde imaginaire, mais c’est surtout de révéler ce qui circule entre les éléments, les similitudes et les analogies dans les images que l’on se donne du monde, de provoquer un « métissage » de l’art, avec l’idée que le métissage est bien une forme de tissage qui dit comment au plus profond les choses sont entrelacées .Il réussit à mener à bien sa tentative de réensauvagement du monde, une jonction avec la sauvagerie d’origine, dont on pourra prendre la mesure dans cette exposition : joyeuse et farouche, désinhibée, malicieuse. En s’appropriant le geste des artistes étranges et singuliers qui restent ses compagnons Joseph Kurhajec s’inscrit de manière très originale dans l’art contemporain en inventant de nouvelles formes de visibilité et en renouvelant le rôle du « trickster », ce briseur de règles qui crée du désordre pour instaurer un ordre différent, ce veilleur enjoué et farouche aux confins des cultures, cet artiste aux productions ensauvagées et tellement convivial dans ses rapports humains.
Georges Quidet pour HCE Galerie


My Toys!Les choses ont-elles perdu leur enjouement farouche ?

Amplement nourri de récits anthropologiques, l’œil de J Kurhajec se laisse porter par les méandres et les errements surprenants des formes naturelles : bois, pierres, ossements, animaux, rencontrés dans ses excursions à travers le monde, échoués sur ses plages intérieures. Il prolonge l’imagination de la Nature pour nous livrer ce qu’elle n’a pu achever, ce à quoi nous croyons avoir échappé, en libérant un jeu de formes et de forces explorant jusqu’à l’épouvante les puissances fantaisistes ou terrifiantes que les peuples dits primitifs ont incarnées dans les totems et les fétiches . Mais c’est bien un jeu qui se déploie avec l’enjouement, la bonhommie et la dérision propres à l’artiste, qui, de biais, suggère qu’il y a un ressort caché à trouver, une ficelle à tirer pour apprivoiser les maléfices et laisse ses objets sagement installés sur une sellette, en attente de la saga personnelle, de l’épopée homérique, du récit mythologique où ils pourront à nouveau revivre de leur vie farouche et enjouée


« toute forme est un rêve du monde qui se pense en se faisant » (Plotin )

Une sculpture de Joseph Kurhajec jaillit de son socle avec une force brute- il y a un parti pris anti-esthétique –et sauvage, en ce sens qu’elle émane de l’archaïque, du primitif, d’une origine du monde, voire du chaos initial, cette béance ou ouverture qui donne naissance à des monstres avant de produire un monde ordonné, un cosmos.

Pour ce grand connaisseur de l’anthropologie et grand collectionneur de masques, statuettes et figures totémiques, une sculpture traduit la présence d’une force que l’on peut nommer (je pense au « mana »)sans vraiment dire ce que c’est ; elle est animée par un souffle vital qui introduit du trouble et de l’inquiétude, elle est doté d’un pouvoir incantatoire, de magie.

Dans sa quête d’une expressivité naturelle, originaire, dans son observation ou mieux sa contemplation des formes vivantes où la Nature produit comme une grande Artiste, Kurhajec rencontre l’animalité, non pas telle qu’elle est vue dans le prisme de l’arrogance humaine, mais sous l’angle esthétique de la création des formes. Des animaux il en a connus beaucoup dans son enfance qui se manifestent dans son œuvre de graveur et de sculpteur par une irruption invraisemblable de lignes et de formes qui vont du plus monstrueux au plus familier, et qui aussi ont tendance à mêler le familier au monstrueux. Le monstrueux, c’est bien au sens propre du terme ce qui « se montre », ce qui se dégage tellement de la norme qu’on ne peut l’oublier. L’artiste peut trouver les racines de la création dans cette excédence, cette folle exubérance, dans « l’immensité effrénée de la vie animale ».

L’œuvre exposée a été créée à Rome dans les années 80. Elle est- à l’instar de bien des sculptures de Kurhajec-un collage, une configuration d’éléments disparates dont on accepte temporairement le voisinage, fasciné, mais qui remettent tellement en question notre perception du monde, et notre perception des œuvres d’art qu’on se demande « comment tout cela tient-il ensemble » ?

Il y a d’abord un visage très stylisé en terre cuite sur un cou démesuré, passé à la cire, qui donne une grande importance à la proéminence des mâchoires. Il est taillé à la serpe, vigoureusement et évoque un masque de carnaval, un déguisement plutôt qu’un visage humain. Son sourire est surprenant

En place des oreilles jaillit une superbe paire de cornes, qui proviennent d’une vache de la campagne toscane, très longues et symétriques. On n y perçoit pas le danger des cornes du taureau, l’arme redoutable de la bête. Une sculpture naturelle, une production de la nature, au même titre que bien des ossements dans d’autres sculptures. Picasso aimait lui aussi beaucoup les crânes, les os qui sont comme des moulures, qu’on n’a pas à tailler, déjà des œuvres d’art…

Un dragon la gueule grande ouverte, mais qui gronde depuis longtemps entre ses dents fatigués et qui ne crache plus le feu, occupe toute la cavité du crâne, comme si toute la tête était dominée par ce cerveau primitif et reptilien. Les écailles du cou sont sculptées de manière admirable, d’invraisemblables épis de crin jaillissent de ce cou, comme si une crinière se mettait à pousser sur le dos du dragon.
Au marché aux puces de Vanves Joseph à trouvé des pièces de harnais, et il serre ces lanières au cou de cette créature. C’est du bon cuir, qui sent bon, encore une production de l’animal. Les lanières sont elles même comprimées avec des fils de cuivre. On comprend la joie de l’artiste avec ce geste final et primitif qui consiste à lier très fort les éléments rassemblés, à donner un dernier « tour de vis »à son œuvre avant de la laisser rayonner sur son socle.

L’énigmatique sourire de ce visage porte sur les lèvres le mystère du collage. Il configure des éléments humains et animaux disparates sans liens les uns avec les autres jusqu’à ce qu’ils se touchent de manière intime, se fondent. En même temps les pans de l’esprit glissent progressivement les uns sur les autres vers l’unité de ce tout, dans une dérive poétique à la Gherasim Luca « le tout, l’un-tout, l’intouchable ».

Peut être en va-t-il ainsi de toutes ces sculptures –collages de Joseph Kurhajec : lier, ligaturer, tisser autrement les choses, de manière enjouée, pour que de la diversité naisse une démarche contemplative de retour au tout, à l’Un, à l’ineffable…


Femme, Fétiche?

Cette femme jarre de Joseph, est bien à l’image des fétiches et autres sculptures qui hantent son atelier : la partie sculptée ou ouvragée disparait sous une accumulation de matériel qui lui confère toute sa puissance tout en rehaussant son étrangeté.

Cette poterie nait du sol : l’argile de la région d’Auxerre, qui est celle dont étaient faites les tuiles de la région. Le noir du corset est un oxyde de manganèze, celui qui a été utilisé dans les peintures rupestres ; c’est de la « magnésie », un noir avec un fort pouvoir magnétique. La côte de bœuf rappelle que la femme fut fabriquée à partir d’une côte d’Adam, enroulée dans une peau de serpent, celui qui tenta Eve au paradis. De la ficelle et des nœuds, pour nouer cette composition, rappeler le lien entre le travail du fil et le travail des femmes, l’aptitude à nouer et dénouer. La femme connait les ruses pour ficeler, relier, rapprocher, piéger ou retenir un vêtement , des cheveux ;Catherine Ursin a reçu une statuette de Joseph, si bien emballée et nouée qu’elle n’a jamais essayé de défaire les nœuds de cette oeuvre. Une corne pour saisir la jarre comme on maîtrise un animal. Un peau de crocodile en guise de foulard. Un serpent en matière plastique autour du cou, avec la touche graphique de l’ondulation, de la sinuosité ; des cauris, les coquillages de l’échange et de la divination.

Mais le tout c’est bien une jarre, qui a pris un visage de femme, des formes de femme. Une jarre pour puiser de l’eau et la transporter, qui devient femme en passant de mains de femmes en mains de femmes, qui se charge de leur passé, des mythes et légendes du féminin, qui se creuse non pour transporter l’eau mais les histoires de femmes, leur vocation. Et quoi d’autre encore ?

La jarre de « La Source » d’Ingres avait déjà en son temps suscité bien des questions. C’est bien de l’eau qui s’écoule d’elle, mais avec des torsades telles qu’elle se confond avec la chevelure de cette jeune cariatide. « La Source » laisse s’écouler toute sa grâce de jeune fille… Que peut donc transporter la jarre de Joseph ?

Bienheureux qui peut répondre à cette question ! On peut toutefois se fier à son atelier où cette jarre occupe une étagère en compagnie d’autres « fétiches » , sculpture et masques qui se hérissent de toutes les phanères de la kératine, poils intempestifs, cornes imaginaires, griffes disproportionnées, et donc se laisser porter par ce mot de fétiche… : un objet sacré dans lequel s’incarne l’efficacité divine de la femme ?

Dans une galerie inspirée de Joyce, le reflexe du « retour à l’étymon » fait entendre d’autres résonances. « Fétiche » est bien un mot emprunté au portugais vers 1750, mais pour redonner vie à un mot dérivé du bas latin ( facticius), alors tombé en désuétude, l’adjectif « faictiz, faictisse », un mot de la langue de François Villon dans »les Regrets de la belle heaulmière »

« qu’est devenu…
Ces gentes epaulles menues,
Ces bras longs et ces mains traictisses
Petiz tetins, hanches charnues,
Eslevees, propres et faictisses
A tenir amoureuses lices(1)

Voilà le mot et avec lui la chose qui remplit cette jarre : « faictisse» : Tout à l’opposé de notre adjectif « factice » ,artificiel, ce mot désigne ce qui dans le corps de la femme semble être fait à dessein , « ce qui est tout exprès conçu pour… » selon la traduction en français moderne, attirer le désir et l’amour ; une manière d’être, un éclat, une beauté qui se détache, un être insaisissable, une façon d’être présente et absente .

Peut être que toutes les sculptures de Joseph Kurhajec plongent dans un passé si lointain, dans un archaïsme si profond qu’il faut pour en parler puiser dans les plus anciennes ressources de la langue. Même s’il ne parle pas le français Il aimerait celle de François Villon.

(1)Traduction de Gérard Gros dans la Pléiade : Ces jolies épaules menues, Ces bras longs, ces mains délicates, Petits seins et hanches charnues, Hautes et tout exprès conçues pour tenir d’amoureuses joutes

HCE Galerie”