Yoel Jimenez

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Yoel Jimenez est un artiste de nationalité franco -cubaine, diplômé en 1991 de l’école nationale des Beaux-Arts de La Havane. Arrivé en France en 1999 il fait vivre avec le sourire et l’humour de l’Amérique latine son fond de culture cubaine avec à l’arrière-plan de ses expositions, installations et participation à des festivals l’enjouement des rues et des patios, l’univers du Malecon et de la Santeria, tout un monde surréaliste qui entretient la confusion de l’humain, du végétal et de l’animal, leur symbiose. C’est toute cette énergie qu’il insuffle aux centres culturels et écoles toulousaines avec lesquelles il collabore, mettant la matière en verve : le papier qu’il fabrique, les outils de la gravure, l’encre avec toutes ses richesses de noir, ses rouleaux encreurs et ses tampons, une manière de faire qui va au plus simple et au plus rapide, surfant sur l’esprit et la légèreté des anagrammes : la matière, ma réalité, l’atelier…

Qu’il grave le bois pour faire des affiches, dessine, sculpte ou réalise des performances, conçoive des livres et les édite, il ne cesse d’appréhender le réel et la création à travers le prisme poétique du réalisme magique. Le trait et le geste sont tout aussi affûtés que le regard, en saillies et en pointes dans l’exploration de la rue, des fonds patrimoniaux des bibliothèques, des grandes lois scientifiques ou des problèmes qui mettent à mal la planète. Ce qui est alors « percé » est plus vrai que ce qui s’offre à la vue : les mots secrets et clandestins qui passent en douce dans la rue se marient à des images, se font la belle à travers les pavés ou restent tapis en embuscade ; les « corpus » anciens, trésors des bibliothèques, reprennent corps dans une encre nouvelle ; les grandes lois de la physique, principes et piliers de la raison, penchent vers l’humour, l’équivoque et une légèreté inattendue ; Quant aux migrations tragiques en Méditerranée elles semblent perçues avec étonnement par un banc de poissons.

L’artiste laisse affleurer les sens, les doubles et triples sens, toute la merveilleuse équivocité du monde intériorisée dans les images et les langages, il en fait circuler les énergies et les consonances les plus secrètes, il ouvre des horizons en remettant du jeu dans les contraintes. C ‘est enjoué comme un mot d’esprit


Yoel Jimenez, artiste plasticien de 45 ans, de nationalité franco¬-cubaine, vit et travaille à Toulouse depuis 2007. Diplômé de l’École Nationale des Beaux Arts de La Havane en 1991, il pratique principalement la gravure, et plus spécifiquement la xylographie, mais aussi le dessin, la sculpture, des installations et des performances de street art.

Après quelques expositions personnelles et collectives et la participation à plusieurs biennales comme celle de San Juan à Puerto Rico, Kochi au Japon et Liège en Belgique, il arrive en France en 1999.

Il réalise des expositions personnelles à Bordeaux, Lyon et Toulouse. Depuis plusieurs années il a réalisé une série de gravures où il utilise le langage de l’affiche pour évoquer une vision parfois critique ou fantastique du monde de la rue et des bars.

A l’occasion de l’illustration de la couverture d’un essai en géopolitique sur Cuba aux éditions Choiseul, il réalise une série de xylographie sur sa vision de la situation de Cuba. En 2015 Il propose la même déclinaison à l’occasion de sa collaboration avec les éditions CMDE pour l’ouvrage Mourir au Mexique et en 2018 pour le texte Rendez-les nous vivants. Il réalise à cette occasion la couverture et des illustrations pour cet essai.

Fin 2011, il a exposé à la Médiathèque José Cabanis de Toulouse une série d’installations composées essentiellement de gravures grands format, inspirées de textes issus des collections du patrimoine écrit de la Bibliothèque municipale de Toulouse (Corps et Corpus).

Il fait partager son travail lié au monde de l’affiche à l’occasion de festivals de rue ou pluridisciplinaires (Festival de rue de Ramonville, Festival Marionnettissimo de Tournefeuille, Festival d’Uzeste, Festival Chalon dans la rue, Festival Rio Loco etc…), dans des librairies (Librairie Palimpseste, Paris XVème, Librairie Ombre Blanches à Toulouse).

Très proche également de l’univers du livre à travers la réalisation de livres objets (un livre ¬objet a été acquis par les collections de l’artothèque du conseil départemental de la Gironde), ou d’albums pour adulte (le projet d’album Le carton pour lequel il a reçu une bourse d’écriture du Centre Régional des Lettres Midi¬-Pyrénées sera publié en novembre prochain aux éditions CMDE)

Il réalise des interventions artistiques en bibliothèque, dans des centres culturels et sociaux ou à l’occasion de salons du livre (Salon Vivons Livre de Toulouse, Salon du livre et du vin de Balma) et également des workshops dans le cadre de résidence artistique ou d’événements comme cet été au salon de l’illustration de Sarrant, dans le Gers.

Il continue à travailler sur de nouvelles séries d’affiches, la dernière portait sur le thème de la physique (dont un livre est en préparation ayant reçu une bourse d’écriture d’ Occitanie Livre et Lecture en 2018).

Depuis 2015, il travaille sur une installation évolutive dont la première oeuvre (sculpture d’un bateau en bois) a été créée durant une résidence à Bordeaux avec l’association MC2A, présentée à l’occasion de la fête du fleuve de Bordeaux, qui explore les questions de migrations humaines et animales, sous le titre Traversée. Elle est composée aussi de dessins et de sculptures de sel. Dernièrement ce projet a donné lieu à une résidence au Canada pour une performance de street art dans le tunnel du centre d’art ArtSpace de Winnipeg.



Les affiches de Yoël Jimenez : des ailes de papier ?

Yoël Jimenez grave ses dessins sur du medium, du bois tendre qui offre peu de résistance à la gouge et à la vivacité, à la rapidité du trait d’esprit visé, à tous ceux qu’il entraîne dans son sillage, dans son sillon, simplement libérés par le geste, dans un jeu euphorique qui unit dans une même complicité le graveur et son ami écrivain, Fred Durand. Celui-ci lui glisse ses formules ou sentences à peine dévoyées par quelques jeux sur les mots, lesquels vont venir se répercuter ou se réverbérer en jeux sur l’image. Le trouble et l’évidence s’y prêtent un mutuel appui.

Une fois la planche gravée, l’impression se fait de la manière la plus simple, la moins exigeante en raffinement technique, de manière manuelle, par encrage et tamponnement sur le papier kraft qui se prête bien lui aussi au jeu : diablement emballé !

Une écriture très économe en moyens expressifs concourt à ce climat de métaphore et de métamorphose enjouées. Réduites à des ombres, des silhouettes, les choses sont riches de projections et d’esquisses possibles, de tentatives d’esquiver leurs contours bien définis. Des lignes inspirées se croisent en curieux grillages, croisillons ou maillages, se poursuivent une fois stylisés et abstraits en étranges écritures du désir : croisement de jambes, rencontre et accroche des formes, résille des bas pour contenir des pulsions inattendues, mettre de la vie dans une courbure. Ainsi en va-t-il de la rencontre d’une chaussure homme et d’une chaussure femme, épinglées sur un fil à linge. Voilà une « chose sûre » ! Elles gardent le fil malgré la bourrasque qui emporte tout, à moins que ce ne soit le courant de l’éros qui se mette à souffler…Sur leurs semelles sont visibles leurs empreintes digitales, leur signe d’identité, la réponse au rébus : sortir le grand je, mais aussi avec un envol de sens sous- entendus autour de la touche, du touché et du toucher. L’image ne peut que battre de l’aile. En lien avec elle, une autre histoire d’épingle, comme si l’affiche avait à « épingler », à fixer un sens dans le flux des choses. Celle de «Vive la rue publique », l’image d’un quartier de la ville comme une forme de papillon, épinglée comme peut l’être un papillon. Cette image peut renvoyer à la démarche de l’artiste, heureuse et affairée, à une sorte de chasse aux papillons pour attraper et épingler des impressions fugitives de la ville, recueillies entre les pavés, sur les murs, dans les rues et les bars, les murmures et les plaintes émanées du surréel de la ville, de la vie, les messages soufflés de son atmosphère.

Un esprit léger règne sur cette création et ce « gai savoir », avec son envers inévitable, celui du fond, de la profondeur et ses enjeux cruciaux.

On peut penser à l’atelier, en le prenant dans la démarche exposée comme l’anagramme de la réalité : un atelier à l’image du « jeu du monde », où la figure (la figuration) s’élabore entre les mots et les images dans le « travail du désir », son énergétique et la grammaire de ses jeux.

Mais aussi à la dimension protéiforme de ce travail, dans la lignée de Joyce : Protée, par son nom même évoque la force primitive, l’étoffe de la vie, capable de s’exprimer sous d’innombrables formes. Les questions fondamentales de la vie sont posées à un fouillis de phénomènes changeants et insaisissables : être artiste, c’est comprendre le langage dans lequel la vie s’exprime, en déchiffrer les signes. Et si Yoël dans le trouble des atmosphères enregistrait les signes d’une vitalité au-delà de la vie, une force de transport et d’émerveillement ?

Et pourquoi pas se laisser porter par une invention proustienne, « l’aile de papier » qu’est la paperolle. Une méthode papillonnante d’écriture, des notes éparses et étincelantes de vie mises en dormance dans la mémoire pour jalonner l’élaboration du grand œuvre qu’est La Recherche. Le mot fait entendre les sonorités de ces affiches, leur façon de battre de l’aile pour libérer un message, et par ailleurs Yoêl dans ses impressions sur tissu et ses dessins affectionne les formes ailées, plumes et panaches, comme des vecteurs pour rejoindre d’autres œuvres déjà élaborées et l’œuvre à venir…

HCE Galerie, 8 avril 2020