Miguel Marajo

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« Miguel Marajo est un artiste qui porte son regard sur l’aliénante uniformité des critères esthétiques de la société occidentale. Il se joue des traits pour éveiller une authenticité
non assujettie aux canons de beauté.
Son œuvre explore avec humour caustique, poésie et luciditéla foisonnante richesse des rapports culturels.»

Il y a des sujets délicats que l’on voudrait reléguer aux oubliettes, voir tout simplement ignorer. Pourtant, ils resurgissent dans notre société sous différentes formes, d’une façon ou d’une autre… Ni revanchard, ni vindicatif, je suis profondément convaincu que ces manifestations sont incontournables et nécessitent un assainissement. Mes dessins et mes peintures les abordent avec poésie et humour comme un appel à l’apaisement.

Enfant, à la Martinique, j’ai d’abord vécu de façon viscérale des phénomènes sociétaux issus des stigmates de l’esclavage et de la colonisation. Ceux-ci ont trouvé des mots pour s’exprimer, alors que, plongé dans l’effervescence intellectuelle martiniquaise, j’assistais aux premières conférences publiques de la créolité comme celle présentées par Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau.

Je préparais à cette époque mon entrée aux Beaux-Arts de Paris dans une structure créée par Aimé Césaire, “le chantre de la négritude”. Sans limitation dans le temps ni dans ma créativité, j’ai toujours suivi ce fil comme un besoin impérieux

Mon travail complexe et singulier, est volubile. Dans mes dessins et mes peintures, on retrouve toujours un trait foisonnant en circonvolutions, cette débauche de lignes est le mimétisme du cheveu, et fait écho à son caractère libre et naturel. La nature s’y manifeste partout de façon sous-jacente, dans une gestuelle courbe qui rythme la totalité de mes œuvres, les envahissant dans un mouvement complexe qui semble encore vivre sous la danse que le geste lui a imprimée.

Mes créations sont longtemps restées plus ou moins confidentielles car elles évoquaient un passé trouble, bien que je me sois toujours appliqué à traiter ces sujets avec humour.

Aujourd’hui, des manifestations dans l’espace public provoquent une libération de la parole. Dans ce tumulte, un besoin de résilience commence à se faire sentir

Ce devoir de mémoire doit, à mon sens, être accompagné par ceux qui se sentent touchés par cette cause et qui récoltent les œuvres témoins de notre époque.

Miguel Marajo, janvier2021


Miguel Marajo vit en région parisienne.
Il a exposé en Île-de-France, dans le bassin caribéen, à Bruxelles, Utrecht, Monaco, Hong Kong et en Afrique du Sud. Son travail est représenté par Sanaa Galerie à Utrecht aux Pays-Bas et par HCE galerie à Saint-Denis en France.


Il participe régulièrement à des expositions collectives, telles qu’à l’automne 2020 : • “Frontières” Commissariat Ana Sonderéguer et Cindy Olohou

“Amours II” Commissariat Laurent Quenehen

En 2019 ses dessins sont présentés au salon D Dessin {19} à Paris.

En 2016 il expose avec “Le Musée du Tout-Monde & Agora Mundo” Commissariat Sylvie Glissant, Hélène Lassalle et Catherine Kirchner-Blanchard.

Auparavant, en 2014, il participe à l’’exposition “Névralgies I” une carte blanche de Myriam Mihindou soutenue par Simon Njami.

Parallèlement à sa recherche sur la prédominance de critères esthétiques, la manière d’en prendre conscience, de s’en emparer et de les détourner, il produit régulièrement des peintures ou des dessins en résonance avec les faits d’actualité qui le touchent, comme par exemple : les toiles “Hors de l’attente” qui présente un migrant, ou le dessin “Elle aime cet Aquarius” qui compare le sort de l’équipage du module lunaire LM7 Aquarius en 1970 à celui des migrants secourus en Méditerranée par le bateau du même nom en 2018.

En 2015, il présente une exposition personnelle nommée “Volubilis”, initiée par Bernard Point au Centre Culturel de Villeneuve-la-Garenne. Dans cette exposition, il travaille de façon de plus en plus insistante sur le cheveu naturel en l’associant à des motifs ornementaux.

En 2014, tout en poursuivant sa création de grands dessins figuratifs au fusain, il aborde un travail plus onirique, qui laisse plus encore apparaître des formes inconscientes émergeant de son introspection. C’est la série “Alors raconte” puis “Danse nuptiale de la gâchette” exposées par Jean-Michel Marchais à la Galerie Trafic.

En 2013, il commence une série de grands dessins au fusain aux titres évocateurs ; “Dis lui qu’il expie”, un portrait de Dizzy Gillespie, ou encore “La boule à réseau”, un portrait en pied, emmêlé dans un entre lacs de cheveux de toutes natures, et aussi “Païdeuma” à partir d’un texte de Suzanne Césaire sur Léo Frobénius et le problème des civilisations.

En 2012, il réalise des séries de peintures, les “Nanadiploses” puis les “Calimpsus”, qui révèlent la sensualité des corps, l’érotisme et la créolité.

En 2008, à la suite d’un échange avec Hervé Télémaque, il peint un tableau qu’il intitule “Arrête de faire le nègre en colère”. C’est à partir de ce moment là qu’il travaille à des représentations plus figuratives des corps.

Jusqu’en 2007, il se focalise sur le rythme et il crée des dessins de manière de plus en plus gestuelle qu’il nomme “Nez-gros-hideux”, entités clés de son travail ; ce sont des figures qui accentuent leur aspect négroïde, tels les “nègres gros sirop” issus du carnaval martiniquais sur lequel il avait fait une recherche universitaire.
C’est en 2007 qu’il fait une performance au Carré Baudoin : “Partir à neuf, 8, 7.” Polylogue 1789, au cours de laquelle il peint des “Nez-gros-hideux” bleu, blanc et rouge. Il peint aussi, cette même année, plusieurs tableaux qui évoquent l’aspect identitaire des banlieues, la couleur de la peau ou la chevelure crépue stigmatisée, ainsi il accueille avec bienveillance la nouvelle visibilité des minorités dans l’espace médiatique avec sa toile “Français teinté récent”.

De 2003 à 2005, il fait de grands dessins au brou de noix, c’est un travail gestuel, lequel, comme une explosion, questionne la violence, il nomme ces interrogations “le mécanisme paradoxal”. Parallèlement, attiré par les grands formats et les espaces publicitaires dans la rue, il récupère plusieurs affiches 4 x 3 mètres qu’il détourne et où les mots ont une place centrale.

En 2001, il participe à l’exposition “Insensé” où 28 artistes contemporains investissent et réinventent les anciens locaux techniques de la ville de Sens.

En 1997 à Paris, il monte “Sans pur-sang” sa première exposition personnelle significative. Derrière ce jeu de mots, il présentait des tableaux et sa première voiture intégralement peinte “Vis ta mine”.

Le travail plastique de Miguel Marajo a débuté en Martinique, où il a vécu sa jeunesse. Ses premières inspirations viennent du carnaval, ses figures et ses masques qui traduisent des phénomènes sociaux particuliers, et de la nature luxuriante environnante. Il a vécu en Martinique, de façon viscérale des phénomènes sociétaux issus des stigmates de l’esclavage et de la colonisation. Ceux-ci ont trouvé des mots pour s’exprimer, alors que, plongé dans l’effervescence intellectuelle martiniquaise, il assistait aux premières conférences publiques de la créolité d’Edouard Glissant ou de Patrick Chamoiseau. Il préparait à cette époque son entrée aux Beaux-Arts de Paris dans une structure créée par Aimé Césaire, “le chantre de la négritude”.

Miguel Marajo est né en 1963 de parents martiniquais dans la ville du Havre en France.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est MiguelMarajo-CurlyKeponeVitae-4et1-Fusain32x45cm-2020-150x150.jpg.

Du train où vont les choses…

 

Le « train des choses » évoque bien cet ensemble des choses qui s’assemblent et fonctionnent en même temps, les mystérieuses roues d’engrenage qui font tourner ce monde pictural. Miguel Marajo a trouvé sa cheville ouvrière, son maillon originel, sa pièce maîtresse, le signe pour authentifier son appartenance à la culture caribéenne, à ce monde joyeux et revendicatif travaillé par la prose et la poésie, celles de Césaire, de Glissant, de Frantz Fanon : la coiffure afro antillaise, toute en boucles et en frisures. C’est une forme, elle se gonfle, se répand, elle gicle, se vaporise en volutes comme la végétation foisonnante des volubilis. Il crypte ce signe dans son abstraction et sa fécondité, dans son mouvement, en fait « l’âme du monde » dans ses dessins et ses peintures, un hiéroglyphe qui se décline dans toutes les variations possibles des supports, outils et matériaux utilisés. Le brou de noix, le fusain ont la fluidité de l’aquarelle pour incarner l’architectonique et les mouvements des éléments, les engendrements de formes et de morphologies imaginaires. Le dessin se répand alors en différentes strates motrices, avec des vitesses et des rythmes très différents ; un temps végétal très lent de circulation de sève, un temps d’actions impulsives surgissant des profondeurs du papier et enfin des balayages véhéments qui se mettent à tournoyer, engendrant tourbillons et ouragans.
Car il faut de la force et de l’énergie au trait, forcer le trait pour donner un visage au monde, pour l’envisager avec ses yeux révulsés et les mouvements de colère qui défigurent ses traits quand il est confronté à son devenir et à son «  jusqu’où- ça -peut-  aller » , quand par exemple il affronte le désastre environnemental pour les Antilles qu’est l’utilisation du kepone, ce dangereux pesticide dans les plantations industrielles de banane…On le nomme « curlone » en France, un mot bien « curly », capable de rapprocher les vagues de banane de la vague plastique de la chevelure.
La boucle de cheveu reste le motif intime au plus secret et au plus intime du dessin, le mobile qui entraîne le geste et oriente le regard, conserve au dessin son « en train », sa disposition enjouée. Il porte aussi la présence, toujours selon l’artiste « d’une vie anonyme, sous-jacente, qui bouge dans les profondeurs », et ébauche une topographie du désir, de ses mouvements et de ses rythmes, de ses remous dans l’alternance de zones nouées et érectiles et de plages de respiration ouvertes à cette vague qui ne cesse de se propager et de se retourner contre elle-même, à la manière d’une mèche de cheveu rebelle. « Tel est le désir : habiter le ressac et n’avoir aucune patrie dans le temps » (RM Rilke)