EXPOSITION les 31 mars, 1er et 2 avril 2017.
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Sur fond de l’exposition “Rencontres à St Denis de Rachid Koraïchi” et dans le cadre des Journées Européennes des métiers d’art, HCE Galerie expose, trois jeunes artistes de l’Ile Saint-Denis
lire l’article de HCE Galerie: trois artistes de “La Vie Sauvage”
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« la Vie Sauvage », un atelier de l’Ile Saint-Denis, fédère dans son creuset de jeunes artistes issus de l’Ensad qui travaillent sur des matières différentes avec des techniques diverses. Ils se sont rassemblés selon le principe chimique des affinités électives, de telle sorte que d’étranges contaminations traversent leurs œuvres. Ils travaillent tous sur des « matières » qu’ils raffinent et distillent pour en extraire « l’esprit », le plus subtil et le plus volatile : la lumière qui baigne le monde depuis le big bang, le bois, la matière ligneuse inventée par la nature il ya quatre cents millions d’années, la mine de plomb ou l’encre, autant de matières antiques et inépuisables dont ils cherchent à exprimer l’esprit ;
Incroyable cette machine réalisée par Charlotte Gautier : actionnée à la manière d’une bielle par un moteur, une source lumineuse va et vient dans une ampoule, soufflée avec l’artisan verrier Stéphane Rivoal ; les irrégularités du verre réverbèrent dans l’espace des formes proliférant à l’infini qui évoquent des fractales, des formes qui en se fragmentant conservent les propriétés de l’ensemble. Toutes ces réflexions et réfractions de la lumière engendrent un espace en expansion où le spectateur se laisse prendre, perd le sens de la dimension, oublie l’échelle de perception. Tout autour le monde environnant donne l’illusion de se produire et de se révéler dans l’expansion de la lumière.
La technique de l’artisan et de l’artiste, le savoir-faire et les recettes du métier, le travail de la main font vivre des formes dans la matière, qui y sont déjà, que la touche de la main ne fait que révéler et amplifier. La lumière sur laquelle travaille l’artiste est bien plus qu’un éclairage ou un rayon lumineux, c’est la matière infiniment subtile dans laquelle baigne le monde, l’ éther des physiciens, la substance même du monde qui nous échappe, que le latin de la scolastique élaborait de manière complexe pour en faire la manifestation de Dieu. L’artiste met en scène dans son dispositif tous ces effets de la lumière : « Lux » : la lumière en acte du « lux fiat », la source de vie et de chaleur ; « lumen », la lumière reçue par les corps et qui peut en émaner, révéler les couleurs ; « radius », la propagation de la lumière en ligne directe, le rayonnement, l’illumination ; « splendor » : la réflexion du rayon sur une surface polie, sa réfraction, la magie de tous les phénomènes lumineux. Si elle avait vécu au tournant du deuxième millénaire, Charlotte aurait été une adepte de cette « théophanie lumineuse » élaborée dans notre abbaye de St Denis, la création et la révélation de Dieu dans la lumière.
La machine construite par l’artiste transforme la lumière en un flux, une fluence qui conserve les attributs de cette diffusion de la grâce en emportant des formes qui, tels les atomes de Lucrèce se propagent et se rencontrent sous le signe de la volupté et de la vénusté.
Domitille Martin travaille dans un domaine artisanal assez rare, celui de la scénographie végétale : il s’agit de créer des décors pour le théâtre, le cirque ou l’événementiel, où des éléments de la nature sont associés à des apports artificiels dans une « mise en scène ».
C’est le végétal pourtant qui se met en scène dans une dramaturgie où le faux et le fictif se courbent vers le vrai et l’authentique, vers ce pouvoir qu’à la nature de s’inventer et de se créer tout en reproduisant des formes merveilleuses d’ingéniosité et de séduction .L’artiste donne à voir cette odyssée de la « nature naturante », dans une création qui est un jaillissement de nouveauté. Entre algue et plante le végétal sort du milieu marin et rampe sur terre, s’invente la racine pour se fixer au plus profond et trouver dans le caché et le secret de la terre la tête du mouvement ; il se crée une matière qui n’a pas fini de nous étonner, le bois, pour s’élever vers le ciel dans le tronc et les branches en quête de lumière ; Il s’invente des feuilles accordées à l’atmosphère, vibrant au gré des liaisons ténues entre les choses et son âme végétative, la fleur pour capturer le monde, le couvrir de son réseau de liaisons et d’associations. On répète depuis Aristote « l’art imite la nature » en oubliant l’autre membre de cette phrase « et achève ce qu’elle n’a pu mener à bien… ».Dans le travail de Domitille la nature se réalise dans la contemplation d’elle-même, s’arrête et se repose comme Dieu au septième jour ; l’artifice est le miroir tendu à la nature pour qu’elle s’y réfléchisse et contemple la force de création inhérente à la racine d’une plante carnivore, la tige, le tronc, la feuille, la fleur.
L’artiste s’est lancée dans une exploration passionnée des créations végétales dont les formes conservent le souvenir de défis et d’aventures, de la géométrie tortueuse qui informe leurs mouvements. Elle peut trouver sa place à côté de Karl Blossfeldt, ce génial professeur du Bauhaus, ami de Paul Klee, qui trouvait dans la végétation les principes de l’architecture ; ou de Hong Zicheng, un sage chinois du 17ème, auteur du célèbre « propos sur la racine des légumes » qui y trouvait « la musique de l’univers », un art de vivre, celui de revenir à la racine des choses pour en goûter toutes les saveurs. Dans cette mise en scène végétale elle apprivoise le bois, non pas la matière première ou le matériau, mais cette matière infiniment subtile, un « esprit » qui coule de la racine à la fleur, aère et fait vibrer chaque élément et parfois dévore d’un feu intérieur.
A la manière du peintre qui plante son chevalet dans l’espace pour capter les lignes du paysage, Julien Rodriguez dresse vers le ciel une architecture très fine de lignes courbes, des ogives se croisant pour supporter des soupçons de voûtes, des arcs-boutants résistant à la poussée de murs immatériels, autant d’arcs et d’arceaux face à l’horizon qui gardent dans leur légèreté le souvenir de masses dressées pour résister aux blessures du temps. Il nous propose un graphe des forces en exercice dans l’architecture, un équilibre aérien entre solidité et subtilité.
C’est aussi à une refonte de l’espace local que conduisent ses architectures frêles et solides, ces habitations portables et combinables qui répondent à la position contradictoire de l’être humain : trouver un lieu stable, intangible, ancrage de points de départ et de référence, un nid sécurisant pour se retrouver face aux forces dévastatrices du monde d’un côté, et de l’autre satisfaire un besoin de mobilité, d’échappée, de mouvement. Entre architecture et sculpture il dispose le réseau de ses arceaux de tente pour façonner le nomade qui est en nous.
Il déplace sa maison entre ciel et terre, dans une zone sans bord ni repères. Les polygones graciles de sa construction sont à l’image du rectangle que l’augure découpait rituellement dans le ciel du bout de son bâton recourbé, le « templum », pour en tirer les oracles .Il remonte ainsi à la source de la « contemplation » et laisse venir à lui portés par le vol des oiseaux la migration des signes et l’affleurement de dessins multiples qu’il na plus qu’à relever.
Des dessins qui sont à l’image de son architecture, des mouvements suspendus, toujours hantés par le mouvement, des visions d’un « voyageur immobile ».
HCE Galerie