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Terra Ferma

Il vous reste trois jours, jusqu’à mercredi pour voir Terra Ferma…

J’ai étendu mes rêves sous tes pieds ;

Marche doucement, car tu marches sur mes rêves

 ( W.B. Yeats)

                                                Terra Ferma

Artistes et étudiant à Paris 8, ils s’incorporent dans leur territoire et la nature, le plus vivant en nous et hors de nous. Ils vont au plus profond de ses mots et de ses images, la font rêver dans le creuset de cette exposition, qu’ils disséminent dans la rue et le quartier, confiant aux plantes sauvages et herbes folles  le soin de la relayer.

Béa, la très aranéeuse, suggère dans son dessin les traits lancés vers nous par ces invisibles compagnes des fentes du trottoir. Les photographies de Valentine surprennent le végétal à l’assaut du corps humain et ses empreintes sur la peau. Les toiles et les vidéos de Lynn immergent dans l’humus, la terre nourricière, ses souffles et ses fluides. Néréa dans son « art postal » invite à regarder le monde et son atmosphère par un minuscule trou percé dans les voiles du ciel, à approfondir les liens entre percer et percevoir. Chez Yupei pointe le jade, la pierre guérisseuse : son écriture braille et sa vidéo franchissent le seuil d’un monde invisible, accessible aux aveugles. Emma propose des sacs imprimés de textes-boutures, des « propagules », une méditation sur ce qui « prend » et « reprend » dans un territoire. Indira conçoit un livre de recettes, une alliance secrète entre les graphismes de la nature et ses saveurs, un atelier du goût. Jungjin, Abir et Héloïse du collectif « REV » brodent l’espace comme les Parques tissaient le destin, agrègent les dessins et représentations de l’écosystème de la galerie dans leur jardin planétaire. Quant à Marc, il joue poétiquement de la pariétaire, perce-muraille ou brise -caillou, s’assimile à son potentiel de résistance et son envers, sa force à nouer et renouer liens et contacts.

Une invitation à faire attention, à marcher très doucement dans la ville…

HCE / G. Q.

Avec Beatriz Arana, Indira Colin, Nerea Gil, Lynn Hyeong, Marc Laffitte, Valentine Mahé-Clémot, Yupeï Roehrich, Emma Vallejo et le collectif REV (JungJin Park, Abir Ben Tili  et Héloïse Thiburce)

Du 28 mai au 2 juin 2021

Vernissage le samedi 29 mai à partir de 17h, finissage le mercredi 2 juin à partir de 17h.

Atelier de cuisine autour des plantes rudérales comestibles le dimanche 30 mai, à 15h et à 17h.

Cette exposition est le fruit d’une collaboration entre étudiants du master EDAM (Écologie des arts et des médias) en Arts plastiques à l’université Paris 8, à la suite d’un séminaire proposé par l’artiste-chercheuse Marie Preston et d’une rencontre avec la galerie HCE à l’occasion d’une visite de Gilles Clément à l’université. Elle répond à des questionnements croissants autour de l’engagement écologique et des différentes visions qui en émanent. Comment se placer, aujourd’hui, en tant qu’artistes, à l’heure de l’anthropocène ? Comment naviguer entre la notion « utilitaire » toute relative attachée à l’artiste, et ce besoin partagé, grandissant de s’impliquer, d’agir, afin de pouvoir appréhender le futur plus sereinement ? Et puis, comment se placer en tant qu’humain ? Comment co-éduquer nos regards, tous ensemble, à se pencher vers ce qu’il y a de vivant en nous et à l’extérieur de nous ? Comment se mettre en condition d’en prendre soin ? Comment se mettre en condition de tisser et ressentir les liens qui nous constituent, ceux avec ceux qui nous entourent, humains comme non-humains ? 

Tout différents que soient nos regards sur la crise écologique et sur ses causes, nous sommes ici convaincus, dans la lignée de Philippe Descola, Donna Haraway, Alfred North Whitehead et bien d’autres, que les réponses à la crise climatique, et aux différentes crises qui bousculent et déracinent nos quotidiens comme nos projections dans le futur, sont tout d’abord des réponses culturelles. 

Une crise du vivant, une crise du rapport à l’autre, comme conséquences d’une faille paradigmatique creusée dans nos conceptions du monde, d’un gouffre séparant l’humain culturel de son milieu, la nature, comme deux grands pôles s’affrontant. L’un réduisant l’autre en servage, tantôt reléguant le vivant non-humain au rang de ressource, et tantôt tentant d’en prendre soin, sans se détacher d’une image d’un capitaine gérant son monde autour de lui. Mais comment venir à bout des problèmes engendrés par une domination de l’homme sur la nature et de l’homme sur l’homme, sans avant tout prendre conscience de l’aspect indéniable de l’humain et de ses créations comme êtres de nature, comme l’une des multiples manifestations de la nature ? Comment en venir à bout sans prendre conscience que l’humain, au même titre que tout habitant de la planète, est perpétuellement en co-dépendance et en co-évolution avec ce qui l’entoure, comme partie intégrante d’un vaste écosystème ? 

Initialement, nous nous sommes penchés vers des pratiques collaboratives de prises de soin, croisées du jardinage et des pratiques artistiques, dans notre environnement proche, à savoir les jardins de l’université Paris 8. Mais le second confinement nous à pris de court, et nous a poussé à repenser nos possibilités de projets collectifs. Toujours dans l’esprit de faire communauté, et de créer ensemble, nous nous sommes penchés, dans ces temps d’isolement et de virtualisation du rapport à l’autre, vers ce qu’il nous restait d’incarner dans nos rapports au monde, à savoir ce qui nous était accessible, autour de nous : notre territoire. 

Cette notion est le point de départ de notre projet collectif, et si la possibilité d’une stricte co-création s’est retrouvée de fait amputée par les circonstances, nous nous sommes doucement orientés vers une envie de mise en commun des créations, autour d’une cartographie qui relierait nos différents milieux. La première entrée dans ce projet est donc une réflexion sur le territoire : en ces temps où le virtuel tend à grignoter le réel dans nos rapports au monde, comment se constituent nos territoires ? Sont-ils exclusivement formés par notre environnement physique proche ?  Aujourd’hui, il nous semble que nos rapports à l’espace sont fragmentés. Plutôt que d’être inscrit totalement dans une localité, nous vivons à un endroit, travaillons à un autre, allons rendre visite à nos amis ou notre famille encore dans un autre lieu… et ces sentiments d’appartenances paraissent multiples. En ce sens, il semblerait que nos territoires ne se fondent pas tant sur leur matérialité qu’en fonctions des relations, des dépendances et des liens qui nous lient aux êtres et autres incarnations, à l’image de la « chôra » relevée par Augustin Berque, le lieu dynamique, existentiel… Plus que sur un « autour » détaché de soi, il semblerait que nos sentiments d’appartenance soient conditionnés à nos affects. En ce sens, nous avons choisi d’explorer ce que nous avons appelé une « cartographie des affects » qui se déploierait et matérialiserait des espaces non pas seulement physiques mais relationnels, fondés autour de nos différentes interactions et inter-relations. 

C’est ce que nous proposons d’approcher ici, à notre mesure, à notre échelle. Tous, à notre manière, tentons l’expérience du déplacement du regard : proposer d’autres visions sur le monde, d’autres regards, peut-être plus attentifs, sur nos territoires, nos environnements. Une tentative de révéler ce qu’on ne voit plus à force d’y être confrontés jours après jours, une tentative de ré-enchanter nos espaces, en prenant la mesure des êtres qui co-existent avec nous dans nos quotidiens.

Autant d’œuvres, de protocoles, d’ateliers ou d’expériences pour vous inviter à explorer avec nous, en même temps que nous, d’autres possibles, et d’autres manières d’habiter le monde.

Beatriz ARANA

Repenser au territoire à partir du dessin des plantes sauvages

Livret, 15 x 20 cm, 20 exp. 2021

Cette expérience tourne autour de l’écologie et tente d’explorer les différents moyens de cohabitation entre les habitants de la ville de Saint-Denis et la nature d’un territoire par le biais du dessin. Mon travail a consisté à repérer, identifier, observer, dessiner, étudier et mettre en lumière les plantes rudérales, sauvages de la ville où j’habite, Saint-Denis pour créer un lien entre la nature et mon lieu d’habitation.  

J’ai réalisé des dessins en grand format que j’ai collés sur les murs de la ville. Les dessins représentent ces plantes sauvages qui passent souvent inaperçues. J’ai voulu les rendre monstrueuses en portant particulièrement attention aux détails, en amplifiant certains traits pour les réadapter à notre échelle puisque mon intention première est de relever ce qu’on ne voit pas/plus à force d’y être confrontés quotidiennement.

Indira COLIN

Le livre de recettes des affects sauvages

Atelier de cuisine autour des plantes rudérales comestibles le dimanche 30 mai, une séance à 15h puis à 17h.

Ce livre de recettes permet de découvrir les plantes dites rudérales, de mieux comprendre ce qui pousse autour de nous et de les cuisiner. Le livre contient plusieurs recettes comprenant chacune une plante comestible différente. Ce sont des recettes végétariennes avec des produits de saison, en fonction de la période de floraison et de plantation. L’ensemble de ce projet représente une coopération entre l’humain et le non-humain, par une action avec l’écosystème urbain, pour améliorer notre rapport à la nature. Il invite aussi à une pratique plus artisanale de la cuisine, pour proposer une alternative au consumérisme et à son mode de consommation toujours plus rapide et intensif.

Mon travail personnel est une représentation de mon engagement écologique dans le champ de la cuisine, car le secteur de l’alimentation a des impacts importants sur la Terre : élevage intensif des animaux, fruits et légumes poussés sous serres chauffées toute l’année, production et consommation de masse, des tonnes d’emballages à usage unique produits dans le monde entier, la malbouffe et les fast-foods, les services de livraison à emporter… sont pour moi des activités qui doivent cesser avec urgence. Nous devrions revenir à des pratiques culinaires plus paysannes, plus locales et éthiques. Il s’agit aussi d’un projet initialement de partage, pour transmettre un savoir-faire à partir de l’atelier de cuisine que je propose. L’atelier amène à découvrir les saveurs et des recettes simples pour cuisiner ces affects sauvages.

Nerea GIL

Dispositif pour une perception élargie

Installation vidéo. En salle : moniteur et cartes postales, dimensions variables. En extérieur : présentoir à cartes postales, dimensions variables, 2021. 

Dans mon œuvre Dispositif pour une perception élargie, je propose un protocole d’art courrier, où j’invite des personnes aux horizons divers à participer à la construction d’une œuvre commune. Je mets en avant le climat comme inspiration pour mon projet : pendant la période de confinement, j’ai réalisé plusieurs photographies du ciel, à différents moments, depuis mon espace de confinement. Le climat – et plus précisément l’observation du ciel comme manière d’en constater les variations – est une métaphore de cet espace partagé, commun, malgré la distanciation. 

Le ciel, comme un témoin impassible. Son image constitue une partie de nos imaginaires, comme celui de ceux qui viendront et de ceux qui y sont passés. Il nous sert de lieu de repère dans l’espace comme dans le temps : on a très bien pu le constater pendant le lockdown. Cette œuvre prend sa source dans le texte Une crise de la sensibilité de Baptiste Morizot, dans laquelle l’auteur constate qu’une réduction de la perception peut conduire à une compréhension plus fine des choses. 

Lynn HYEONG

Où ça ?

Métamorphose 

En pleine crise écologique où des changements environnementaux et socio-économiques accélérés ont une incidence sur notre façon d’habiter SUR terre et AVEC elle, je propose deux œuvres : Où ça ? et Métamorphose. Sensible aux processus de réflexion sur la coexistence entre l’humain et le non-humain, le vivant et le non-vivant, j’ai réalisé ces œuvres que j’envisage comme des territoires où notre place en tant qu’humain est questionnée : elles nous invitent à considérer nos interactions corporelles, entre intériorité et extériorité, dans la perspective de l’interdépendance des écosystèmes.

Où ça ? est composé de deux éléments : une œuvre réalisée avec de la peinture moisie intitulée La forêt rouge et un court-métrage Où ça ? qui est projeté sur cette peinture. Ce dernier retrace le processus qui consiste à toucher la souffrance corporelle de trois femmes et leur guérison par ces interactions. Ce court-métrage a été réalisé sous la co-direction artistique Maria Teresa Cucchiara et de moi-même avec le réalisateur Robin Zimmer et la performeuse Soumaya Ounis. Le diptyque correspond à la vulnérabilité entre le vivant et le non-vivant, entre la peinture et la terre sur laquelle elle a été déposée pendant trois mois. Dans la perspective écoféministe, ce processus témoigne d’un processus de guérison.

La deuxième œuvre Métamorphose est une installation constituée d’une peinture, d’un morceau de bois abandonné et d’une projection vidéo. L’ensemble reflète un processus d’interaction qui implique plusieurs transitions. Tout d’abord, la toile a été exposée à l’eau pendant une période de forte pluie en août 2020. Ensuite je suis intervenue sur ce tissu avec une performance collaborative intégrant la musique improvisée du violoniste Yu-Chin Huang et du guitariste Yite Chang sur le thème de la métamorphose. Lors de cette performance, j’y ai dispersé des gouttes de peinture blanche pour exprimer la métamorphose du papillon. Le tissu devenu peinture a été exposé de nouveau à la pluie jusqu’en février 2021. Cette œuvre témoigne d’un récit d’interaction entre le vivant et le non-vivant en transition environnementale et métamorphique.

Marc LAFFITTE

Nouer

Projet évolutif en cours, trois modules vivants, 50 x 27 cm, installation vidéo, 2021. 

D’un côté, la pariétaire, aussi appelée « perce-muraille », plante rudérale emblématique, en résistance poétique dans la ville, et de l’autre, mes proches ; mon travail se noue autour des liens qui m’unissent à mon territoire affectif pour organiser la rencontre entre les êtres qui le constituent. Il en résulte un objet-pivot vivant, évolutif, où la plante, à terme, s’en vient coloniser l’illustration et la transformer, co-évoluer avec elle. Ce bout de vie est ensuite offert à un petit panel de gens, qui, chacun à leur manière, vont documenter le processus de la manière qu’il leur convient, comme un ruissellement créatif, né de la rencontre des deux êtres. 

Ruissellement n°1 : Pierre Martinez, Ra.cin.e.s, vidéo, 2’24. 

Valentine MAHÉ-CLÉMOT

Terre et peau, d’un territoire à l’autre

Trois photomontages FORMAT, tirages argentiques contrecollés sur Dibond. 

À l’extérieur de la galerie : quatorze collages, tailles diverses.

M’intéresser aux plantes rudérales m’a permis de mettre en relief certaines similitudes entre ces plantes et les traces qui parcourent le corps humain : ce qui pousse spontanément, souvent contre la volonté humaine, que l’on regarde, que l’on rejette ou que l’on ignore. J’ai voulu dresser un pont entre le territoire terrestre et le territoire corporel jusqu’à les assimiler. Une partie de mes photographies se trouvent dans la galerie ; ce sont de grandes impressions de mon grand-père, happé silencieusement, presque insidieusement, par le végétal. Le végétal, en corrélation avec la vieillesse, met en exergue le temps qui passe. L’effacement du corps dans le végétal, sa prise de pouvoir sur le corps, renvoient à ce qui est commun au vivant. Les autres photos-montages sont présentés à l’extérieur de la galerie, directement au milieu de la ville, près des plantes rudérales et des autres formes du vivant.

Yupei ROEHRICH

Bye bye braille

Bye Bye Braille est une installation éphémère. La phrase « Est-ce que tu vois » est écrite en braille grâce à des billes d’encens, du sel, du curcuma, du compost, des matériaux divers, porteurs de symboles (Citer les matériaux qui seront utilisés pour cette exposition). Le compost, par exemple, représente le cycle de la vie. Ces matériaux s’adressent à nos sens. Il s’agit de savoir si nous pouvons lire, si nous pouvons voir ce qui se passe en nous : nos idées, nos émotions. Quand notre doigt s’approche pour lire la phrase les billes, faites, par exemple, avec de la poudre de curcuma ou du sel se désagrègent ou s’envolent, nous rappelant le caractère éphémère et fragile, donc précieux, de toutes choses, y compris de nos idées et émotions, qui sont en constant changement. Nos sens sont donc mis à contribution pour tenter de lire. La clarté sereine de notre conscience est le sixième sens. Le projet Bye Bye Braille nous montre, au travers d’expériences sensorielles, qu’au-delà de la vision, nous pouvons atteindre un territoire que nous n’explorons pas. Nous pouvons en effet comprendre et percevoir ce qu’est le noir, l’invisible ou le transparent. Nous pouvons aussi atteindre la clarté magnifique de notre esprit, source jaillissante de compassion et de bonheur. 

Collectif REV (JungJin PARK, Abir BEN TILI, Héloïse THIBURCE)  // Collectif de recherche des écosystèmes virtuels

Nous, le Collectif REV, composé de trois membres, (JungJin Park, Abir Ben Tili et Héloïse Thiburce) souhaitons créer un Jardin Planétaire virtuel, terme emprunté au paysagiste Gilles Clément. Lancé sur le réseau social Instagram, ce projet collaboratif rassemble les fragments des environnements proches des participants. À travers la photographie, la vidéo, le dessin et le son, chacun apporte sa vision sur l’écosystème qui l’entoure. Le familier devient ainsi public. Entre représentation mentale et espace physique, ce projet met en évidence les similitudes qui existent entre les différents paysages à travers le monde. Il a pour ambition de se déployer à travers le temps et le monde afin d’élaborer une base de données commune formant un large Jardin Planétaire virtuel. En s’associant avec l’équipe de l’exposition Terra Ferma, nous ré-adaptons le protocole afin de proposer une nouvelle action participative dont le point de départ serait le territoire de la galerie HCE.

Emma VALLEJO 

Propagules

Quatre sacs en coton sérigraphiés, 18 x 29 cm, 2021. 

Mes Propagules sont des sacs qui transportent des écritures-boutures. À partir d’une pratique de la cueillette et du bouturage, d’une technique de multiplication et de dissémination des plantes, j’engage des recettes d’écriture. L’écriture-bouture est une tentative de mêler l’écriture à cette pratique, de vitaliser l’écriture, hors du livre, par ces gestes de jardinage. 

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